Politique des pêches : l’Etat français serait-il toujours productiviste et colbertiste ?

A propos des « grands bateaux » que la Direction des Pêches souhaite faire entrer dans la pêcherie de langoustine du Golfe de Gascogne contre la volonté de l’ensemble des pêcheurs bretons de langoustines, et… contre toute logique environnementale en matière de politique des pêches (!), l’on retrouve une situation analogue à  celle qui s’est passée en 1959 lorsque l’Etat a imposé les sennes tournantes et coulissantes (lamparo) dans la pêcherie méditerranéenne contre le vote de plus de 90% des pêcheurs et contre les prud’homies. La politique française des pêches serait-elle toujours « productiviste » malgré les nombreux discours affichés ici ou là , et colbertiste de surcroît ?

C’est aussi ce qu’attendent de voir les Prud’homies méditerranéennes qui, écartées de la représentation professionnelle au moment de l’industrialisation forcée en Méditerranée, ont demandé à  être intégrées à  nouveau dans le dispositif….

La Direction des pêches devrait pourtant se féliciter de ce que les communautés artisanales de pêcheurs se prennent en main pour gérer leurs territoires : des expériences ou une culture fortement enviées chez nos homologues européens…

Faut-il comprendre que les développements régionaux ne cadrent pas forcément avec les intérêts défendus sur la place parisienne ? D’autres pays (dont les Etats-Unis) ne craignent pas de changer radicalement de politique avec les changements d’élection, la France devrait-elle, quelle que soit la couleur politique affichée, demeurer sur une ligne droite immuable qui part de sa capitale… ?

Publié dans Analyses | Commentaires fermés sur Politique des pêches : l’Etat français serait-il toujours productiviste et colbertiste ?

Le sauvetage des forêts tropicales est déjà  un marché

..Le mécanisme imaginé pour récompenser les pays qui préservent leurs forêts baptisé REDD (reducing emissions from deforestation and degradation) n’existe pas encore et nul ne sait à  quelle échéance les crédits carbone promis en guise de rémunération pourraient devenir réalité. Mais le projet attire déjà  une armée de consultants, d’ingénieurs qui, comme Mme Gehrig-Fasel, ont compris que si les négociations aboutissent à  Copenhague, il y aura un énorme marché à  saisir pour ceux qui maîtriseront ce monstre complexe…

Pour calculer les quantités de carbone stocké par les forêts, Jarno Hamalainen propose par exemple une méthode très sophistiquée qui combine les images satellites avec le balayage aérien d’un capteur laser. « C’est un outil très puissant et très précis, un peu comme le scannage d’un corps humain »… Un peu plus loin, Tony Lee vend des sortes de GPS élaborés pour permettre aux populations indigènes de faire l’inventaire de leurs arbres…

« Le projet de loi climat en cours de discussion au Congrès américain prévoit que les entreprises pourront acheter chaque année jusqu’à  1,5 milliard de crédits carbone à  l’étranger pour compenser leurs émissions et une grande partie doit venir de la forêt »… Les Etats-Unis auraient besoin d’environ un milliard de crédits forestiers par an d’ici à  2050, les deux tiers, selon lui, de ce que pourrait représenter le marché du carbone forestier mondial…

Le gouvernement brésilien reste hostile à  un financement par le marché et a opté pour la création du Fonds Amazone, abondé par les contributions volontaires d’autres Etats… Mais l’écrasante majorité des pays susceptibles de profiter des financements issus de la lutte contre la déforestation sont des pays dont la gouvernance est défaillante…

Publié dans Evolution climatique | Commentaires fermés sur Le sauvetage des forêts tropicales est déjà  un marché

La fonte de la calotte glaciaire du Groenland s’accélère dramatiquement

La fonte de la calotte glaciaire du Groenland, le plus grand réservoir d’eau douce de l’hémisphère Nord, a fondu à  un rythme alarmant au cours des dernières années, selon un rapport du Conseil arctique qui lance un cri d’alarme…

« C’est très surprenant et préoccupant de voir l’inlandsis perdre autant de glaces » qui se déversent en icebergs dans la mer et à  un rythme aussi accéléré: le volume est passé d’en moyenne 50 milliards de gigatonnes chaque année entre 1995 et 2000, à  160 milliards annuellement de 2003 à  2006″ …

Cette fonte, précise-t-elle, se traduit par « une élevation d’un demi millimètre » du niveau des océans par an, soit 15 à  20% de la montée des mers au niveau planétaire (3,4 mm)…

La fonte de la calotte glaciaire contribuerait, selon la plupart des modèles actuels, à  élever de 5 à  10 cm le niveau des mers du globe en 2100, voire de 20 cm en cas de réchauffement extrême…

Le changement climatique a des conséquences directes sur le mode de subsistance des Inuits, lié à  la chasse et à  la pêche, surtout dans les villages les plus isolés…

Mais il offre aussi de nouvelles possibilités pour l’exploitation minière, les transports maritimes et la production énergétique (pétrole et gaz) au Groenland et dans ses eaux…

Publié dans Evolution climatique | Commentaires fermés sur La fonte de la calotte glaciaire du Groenland s’accélère dramatiquement

L’équilibre est fragile

PROFIL : Patron de chalutier, Pierre d’Acunto préside l’Association méditerranéenne des organisations de producteurs

« Je boycotterai ces Assises de la pêche. Pourquoi ? Je vais vous le dire : j’ai participé à  Lorient à  une réunion où j’ai d’abord entendu parler de contraintes, de particularités régionales. Je me suis dit « chouette, on va enfin parler de nous ». Mais ensuite, on nous a débité la règlementation européenne : là  c’était le contraire. L’Europe sait ce qu’elle veut en terme de maillage, de quotas, etc… Et en faisant ces assises, j’estime qu’on ne manifeste pas notre mécontentement… ‘ Pierrot a parlé. Et du côté des chaluts, Pierre d’Acunto pèse encore, affectivement, même si ce dernier a échoué aux élections prud’homales dans des conditions sur lesquelles il ne préfère pas s’étendre. Depuis, il écoute, il observe. Et celui qui restera comme le meneur des manifs de 2008 contre la hausse
du gazole a sa petite idée sur ce qui menace, peut-être plus encore que le fioul, la flottille de chalutiers : la rupture d’un équilibre fragile entre les différents segments de la pêche méditerranéenne. « Celui qui est le moins endetté s’en sortira, prédit Pierre d’Acunto. Mais il faudra faire avec la mévente du poisson et, surtout, le transfert de certains armements d’une activité sur l’autre. On a vu que, faute de poisson bleu, pas mal de pélagiques se sont rabattus sur le filet de fond. Et quand j’entends que des thoniers de 35 à  40 m veulent se mettre au lamparo (NDLR senne coulissante utilisée pour la pêche au « bleu ») … Je comprends ces patrons mais si la Direction des pêches ne fait rien, l’équilibre sera rompu. ‘ Une menace qui, pour l’ancien prud’homme, pèse aussi sur les petits-métiers, activité qui reste très attractive pour les matelots débarqués de grosses unités. Du coup, plus que jamais, « c’est chacun pour sa poire et quand on se sera sabordés, l’Europe aura la voie libre ‘.
Même si cette année, les chalutiers, grands consommateurs de gazole, ont vu leurs charges diminuer sur ce poste (le litre est tombé à  0,40 € alors qu’un chalutier en engloutit de 1 500 à  2 000 par jour), ils n’ont néanmoins pas pu se remettre à  flots. La raison ? L’effondrement du prix du poisson : la dorade de 200 g vendue 2 € le kilo en criée, le merlan, payé 6 € en 2007, tombé à  3 € quelques mois plus tard… « De toute façon, ajoute le patron du Louis-Gaetane II, le problème de la pêche a de tout temps été celui de la commercialisation. Quand il y a de la demande, tu mets des pierres dans les bacs, tu les vends. Dans le cas inverse… ‘ Pas assez de concurrence pour faire monter les prix, à  la halle à  marée de Sète ? « Vous n’avez qu’à  demander ça au prud’homme… ‘ Soit. Pierre d’Acunto se dit pourtant « optimiste. Si tu l’es pas, il ne te reste plus qu’à  te pendre au portique ‘. Demain, vers 2 h 30 du matin, il démarrera son Baudouin. Même si « ça fait 39 ans, avoue-t-il, que j’ai le mal de mer. ‘

Publié dans Dans la presse | Commentaires fermés sur L’équilibre est fragile

L’encre de mer était présente à  Eurogusto

Pendant que les têtes pensantes et communiquants « autorisés » dissertent sur les politiques maritimes, environnementales, halieutiques à  venir, du genre : « Faut-il interdire telle espèce, telle technique, comment développer l’éolien en mer, quel label est valide, quels produits sont environnementalement corrects, quelle superficie en aire marine protégée, comment s’assurer la mainmise sur les ressources marines de demain… ?, l’antenne Méditerranée du Collectif Pêche et Développement est allée à  la rencontre du public à  Eurogusto, organisé par SLOW FOOD à  Tours.

Et là , pas de discours généralistes, pavés d’intentions louables ou intéressées, seulement des interrogations personnelles, des démarches individuelles, des expériences professionnelles remarquables qui réchauffent le coeur, parce qu’humaines tout simplement.

Ci-après nos impressions et les réflexions qui nous restent en mémoire, retracées sous nos deux plumes respectives (Elisabeth Tempier et Sophie Marty) :

– Nous sommes allés trop loin avec l’environnement et maintenant nous sommes obligés de repenser nos méthodes de production, leur interaction, leurs impacts conjoints sur l’environnement… C’est une bonne chose finalement, je suis optimiste

– Les ostréiculteurs avec les maladies ont perdu leur stock. Beaucoup doivent arrêter. Le problème avec les huîtres triploïdes c’est qu’une année il y a eu un mauvais recrutement en naissains naturels et les producteurs ont du s’approvisionner en écloserie avec des triploïdes. Elles sont parfois plus résistantes à  certaines maladies mais peut-être pas à  l’évolution des écosystèmes…

– Dans nos campagnes de Haute Provence, nous n’avons pas de grands terrains, seulement des parcelles, ici ou là . Cette agriculture de montagne modèle nos paysages. Le petit épeautre a un rendement faible mais il fait partie de notre culture, il est résistant, adapté à  nos conditions environnementales… et il est de très bonne qualité. C’est un des blés les plus anciens qui a été peu transformé. Je ne savais pas que la petite pêche littorale pouvait être proche de l’agriculture de montagne, avec des saisons, des terroirs… Pour nous, la pêche c’est un filet qu’on jette à  la mer…

– Ce qui frappe les élèves c’est la rencontre directe avec les professionnels, la visite du port de pêche de Lorient et des ateliers de transformation. Chaque année, je les y emmène. On a essayé de faire des échanges inter-régionaux entre CFA mais les entreprises veulent souvent garder les mêmes stagiaires. On voulait aussi aller à  Rungis mais cela posait des problèmes de coà’ts…

– Et aussi l’avis d’une juriste spécialiste des appellations « Indication Géographique Protégée » : Je ne vois pas de blocage conceptuel au fait que les pêches artisanales aient une appellation de type « Indication Géographique Protégée ». Est-ce le meilleur label ou la meilleure marque à  utiliser ? Cela reste à  voir…

Quant à  la visite des stands, rien à  voir avec un salon habituel en gastronomie : à  chaque produit une histoire liée à  celle de l’exploitant : du jambon noir de Bigorre au délicieux chocolat bio épicé (cacao de l’Equateur), de l’ail de Croatie à  la sardine basque fumée à  basse température… Il eut fallu une bonne semaine pour échanger tranquillement avec chacun !

————————

Situé dans l’espace des Communautés locales Slow Food/Convivium Provence Méditerranée, le stand de l’Encre de mer a accueilli un public motivé et curieux et mis à  sa disposition une documentation très appréciée.

Le succès des fiches poissons éditées par le Comité Local des pêches du Var démontre l’intérêt d’un public attentif, attiré au demeurant par les recettes, mais surpris et satisfaits d’y découvrir la technique de pêche appropriée, la parole (sage) du pêcheur, des informations inédites dans le paysage du consommateur. Les anciens numéros de l’Encre de Mer ont aussi trouvé leurs adeptes. Assez nettement pour leur valeur ethnologique, et aussi par rapport aux sommaires : le thon (n°2), l’aquaculture biologique artisanale (n°14-15), l’élevage des moules (n°16-17), l’observation du littoral par les pêcheurs artisans (n°20-21) et bien sà’r l’enjeu planctonique, dans notre dernière parution (n°22-23).

Nous avons été frappés par le souci des consommateurs, souvent très jeunes, de comprendre l’affaire des quotas, la « grande ‘ pêche, les poissons d’élevage, la traçabilité, les militaires à  bord des bateaux de pêche Nous avons rencontré un public concerné, venu de Bordeaux, Nantes, Bourges, Paris, La Rochelle, Rennes, Vannes, Tours bien sà’r. Questions et témoignages ont été réconfortants et motivants.

Florilège :

Un couple, la petite cinquantaine :
– « regarde ! une fiche sur les oursins ! ‘
– « vous trouvez des oursins à  Tours, Madame ? ‘
– « c’est mon poissonnier qui m’a fait découvrir. J’en raffole. Il m’appelle Madame Oursin. Je lui en prend 4 ou 5 douzaines chaque fois qu’il en a et nous régalons la famille ou les amis ‘.

Une très jeune fille s’intéresse aux fiches poissons :
– « nous naviguons beaucoup à  la voile avec mes parents. Un jour, nous avons laissé traîner une ligne sans appât et, ô surprise, nous avons pêché une orphie. à‡a m’intéresse de savoir ce qu’on peut pêcher à  la traîne ‘.

Une famille, trois jeunes enfants :
– « et la sole, y’a pas de sole ? ‘
– « tiens, regarde le maquereau ‘
– « et la sole ? ‘
– « la murène ça se mange ? ‘
– « Papa, et la sole ? ‘
– « vous n’avez pas de sole en Méditerranée ? ‘

Et très souvent :
– quels sont les poissons qu’il faut refuser de consommer ?
– peut-on manger les anguilles, les huîtres ?
– que penser des poissons d’élevage ?
– privilégier la pêche locale d’accord, mais sur l’étal du poissonnier du supermarché ou même en ville, c’est pas facile à  trouver !

Publié dans Slow Food | Commentaires fermés sur L’encre de mer était présente à  Eurogusto

Les paradoxes du productivisme européen dans la pêche

34,5 millions € de subventions européennes auraient été versées entre 2000 et 2008 pour accroître et moderniser la flotte de thonniers senneurs de Méditerranée, alors que dans le même temps l’Union Européenne affirmait qu’une surcapacité de pêche était un facteur-clé dans la surpêche et le déclin de l’espèce. Une information donnée sur le site du WWF International et qui illustre bien les limites du fonctionnement « productiviste », particulièrement à  propos d’une ressource marine dont le renouvellement est limité : encourager le modernisme technologique tout en soutenant la casse d’anciens bateaux… L’objectif premier est d’être compétitif sur un marché ouvert. Quand de surcroît, la compétitivité se joue entre deux pays européens, le paradoxe se renforce ! Pendant plusieurs années, la flotte française a été « encouragée » afin d’être plus rapide que la flotte italienne…

C’est la même politique qui prévaut avec le système de droits de pêche monnayables et capitalisables. Les grands armements ayant la capacité financière d’acheter et cumuler ces droits gagneront les secteurs actuellement occupés par la pêche artisanale, avec des bateaux toujours plus grands et performants… Que les financements ne soient plus collectifs mais proviennent de sociétés internationales qui par ailleurs acquièrent et concentrent des parts de marché ne changent rien à  l’affaire. Aucune garantie pour la ressource et un changement progressif de la vie littorale et de nos modes de consommation : les ports animés se muant en des bases avancées pour des mastondontes et nos marchés disparaissant au profit des froids comptoirs des grandes surfaces. Heureusement qu’il y a d’autres solutions !

Celle-ci n’est pas dans l’interdiction des espèces surpêchées par l’industrie car cette solution ruine les bases de la pêche artisanale, nécessairement polyvalente. Elle est bien dans un choix économique, social et environnemental de nos modes de production et de gestion.

Publié dans Analyses | Commentaires fermés sur Les paradoxes du productivisme européen dans la pêche

Le vaste champ de pêche breton soumis à  de fortes pressions

Si les pêcheurs bretons ont réalisé les « limites » environnementales de leur vaste champ de pêche et entrepris une gestion « territoriale » de leur activité, cela ne semble pas le cas d’autres acteurs intervenant sur ce territoire :

Un article sur le plancton dans L’encre de mer N° 22-23 exposait les dangers des extractions de granulats. Le projet de la Baie de Quiberon a heureusement été stoppé par la Préfecture.

– Aujourd’hui, c’est pas moins de 170 000 m3 de vases et boues issues des dragages des ports (majoritairement des ports de plaisance) que le Conseil Général envisage de rejeter sur des zones de 4 km² de côté, à  7-8 milles du port du Guilvinec, « en plein dans des zones de langoustines et de merlu des chalutiers côtiers et fileyeurs », et incidemment en pleine zone « Natura 2000 » dont l’opérateur est le Comité Local des pêches du Guilvinec… Les pêcheurs souhaitent que les vases, une fois nettoyées à  terre, soient « clapées au large, au-delà  des zones côtières et des zones de langoustines, a minima sur les plus proches fonds de 130-140 mètres ». Une solution plus onéreuse mais quel est le coà’t engendré par les perturbations des écosystèmes marins ? Les spécialistes du plancton(cf. notamment « L’enjeu plancton » de Maêlle Thomas-Bourgneuf et Pierre Mollo aux Editions Charles Léopold Mayer) vous expliqueront qu’il ne s’agit pas seulement de rajouter de la vase à  un fond déjà  vaseux mais que les fins sédiments provenant de nos ports « colmatent » les frayères et font office de « béton » sur le fond. Ils remarquent que « le clapage en mer des vases portuaires de l’ïle de Groix a aussi entrainé une prolifération de Dinophysis ». (Le jeu infini des vagues et des marées devait aussi compenser les apports excessifs de l’agriculture et de l’élevage mais il n’a pas empêché l’instauration de champs sous-marins d’algues vertes et ce, pour quelques décennies….)

– Trois jours auparavant, c’était la Direction des Pêches qui souhaitait faire entrer des « grands bateaux » dans la pêcherie de langoustine du Golfe de Gascogne, contre la volonté de l’ensemble des pêcheurs bretons de langoustines, et… contre toute logique environnementale en matière de politique des pêches ! La politique française des pêches serait-elle toujours « productiviste » malgré les nombreux discours affichés ici ou là  ? (C’est aussi ce qu’attendent de voir les Prud’homies méditerranéennes qui, écartées de la représentation professionnelle au moment de l’industrialisation forcée en Méditerranée, ont demandé à  être intégrées à  nouveau dans le dispositif.)

Publié dans Dans la presse | Commentaires fermés sur Le vaste champ de pêche breton soumis à  de fortes pressions

Je savais que ça ne durerait pas…

RAPPEL : Cyril Laplace est, comme le fut son père Alain, pêcheur-plongeur basé à  la Pointe Courte

Alain Laplace, c’est le type qui inspire confiance. Peut-être parce que comme son père, son grand-père, ses oncles, il a arpenté mer et surtout étang pour subsister. Quand il parle lagune, c’est du vécu. A ses côtés, son fils Cyril, petit-métier de l’étang depuis une douzaine d’années, écoute ce père qui a connu le temps où, « au début des années 1970, 600 pêcheurs travaillaient sur l’étang ‘, où, autour de Roquerols, « 30 types pêchaient à  l’arseillère ‘. Mais l’arseillère, c’était pas trop son truc, à  Alain, qui préférait plonger les palourdes (1), et caler quelques filets : « à‡a faisait vivre son homme, ça, les palourdes, comme les huîtres plates pêchées à  la drague : des 5 000 F par jour, en 1977 ! ‘ Tous les jours, il plongeait sur des fonds de 2 à  11
m, de 10 h 30 à  15 h. En 4 à  5 heures, il sortait 30 kg de palourdes, cinq jours sur sept , vendait « les « super » 75 F ‘. Et n’a pas tout claqué : « Ma femme est économe et moi, je suis issu d’une famille de pêcheurs, je savais que ça ne durerait pas. ‘ Aussi quand son fils lui a dit un jour que lui aussi, serait pêcheur, Alain n’a pas sauté au plafond. Mais bon, c’était de famille : « On a donc commencé à  bosser tous les deux, d’abord au palangre, à  la mer. Mais on est revenu sur l’étang. Car à  la mer, c’est encore plus dur. On n’y va qu’après les gros « coups de sud »… ‘ Depuis 1997, le fiston, 33 ans, est donc pêcheur-plongeur. Et c’est dur. Même si Cyril Laplace a un avantage de taille. Son père lui a tout transmis : bateau, moteur, PME (permis de mise en exploitation), filets… Qu’importe. Alain se fait « du souci pour lui. Il y a dix fois moins de poisson qu’avant. ‘ Alors certes, il y a bien les palourdes, que Cyril plonge en libre : « Mais il y en a peu et quand il y en a, il n’y a pas les prix… ‘ Quant à  commercialiser par d’autres voies que les circuits traditionnels, dont la criée, père et fils ont du mal à  y croire : « Quand tu as 20 kg de poisson, tu seras peut-être content de vendre en direct, à  bon prix. Mais comment tu fais quand tu en pêches 400 kg ? ‘ Même scepticisme au sujet des Assises de la pêche : « Ces trucs-là , ça ne changera rien, rigolent le père et le fils. Tout le monde sait que c’est totalement politisé. ‘ Et le père, 40 ans de pêche, sans rigoler cette fois : « Pendant ce temps, des chalutiers sont propulsés par des moteurs développant deux fois 900 cv. Avec les 450 cv règlementaires, leur hélice ne tournerait même pas. Et ceux qui enlèvent leurs balises pour chaluter dans les 3 milles ? Et je vais vous dire : c’est pas fini… ‘

(1) Seule la pêche en apnée, dite « en libre », est autorisée.

Publié dans Dans la presse | Commentaires fermés sur Je savais que ça ne durerait pas…

Demain, une « carte verte ‘ pour le poisson ?

Pas facile de consommer du poisson « écologiquement correct ‘. Les critères à  prendre en compte sont multiples, et les labels certifiant une pêche responsable ne sont pas harmonisés.

L’arrivée, annoncée en 2011, d’un étiquetage carbone sur les produits de grande consommation mettra-t-elle fin aux débats sur les éco-labels qui agitent le secteur des produits de la mer ? En effet, cette année, le Marine Stewardship Council (MSC), qui depuis dix ans pousse les pêcheries à  s’engager dans des démarches de pêche responsable, s’est vu reprocher par Greenpeace de ne pas aller assez loin dans la démarche. L’association environnementaliste veut plus et milite pour l’interdiction des pêches de grands fonds, voire l’arrêt de la pêche au chalut. La solution de l’aquaculture, vue comme un palliatif à  la raréfaction des ressources, n’a pas non plus la faveur de tous les écologistes. Pour les uns, elle pollue l’eau, pour les autres, elle participe à  la destruction des ressources halieutiques.

Pas facile pour un consommateur de se faire une idée claire pour consommer du poisson « écologiquement correct ‘. D’autant plus que pour Alain Renaudin, président de DDB corporate, société de conseil en communication, « la relation des Français aux produits de la mer est complexe ‘. Dans ce contexte, les messages simples des associations militantes passent mieux que les argumentaires très techniques des pêcheurs. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder dans le détail les cahiers des charges de certification de pêche responsable. Autre difficulté : « Pas un label aujourd’hui n’est représentatif d’une haute qualité environnementale ‘ , estime Eric Labouze, président de BioIntelligence Service, agence spécialisée dans la mesure et le conseil de l’impact environnemental des filières. « L’analyse du cycle de vie, retranscrite en grammes de CO2 émis pour 100 grammes de produit fini, permettra un mieux. Mais pour chaque famille de produit, il faudra la compléter par un ou deux critères supplémentaires. Dans les produits de la mer, la question de la biodiversité a toutes les chances d’apparaître comme pertinente. ‘ Un point de vue partagé par Alain Renaudin, ex-directeur général adjoint de l’Ifop, qui estime néanmoins que « l’étiquetage carbone, généralisé, sera utilisé comme un outil de comparaison par les consommateurs entre les produits ‘ .

« L’avenir est à  l’aquaculture ‘

Et là  les questions ne vont que commencer. Qui aura l’empreinte écologique la plus faible : le poisson ou la viande ? Le poisson d’élevage ou le poisson sauvage ? Le poisson frais ou le poisson surgelé ? « Les premiers calculs, qu’il faut prendre avec beaucoup de précautions, donnent l’avantage au poisson sur la viande, car le cycle de transformation est plus court ‘ , évoque Eric Labouze, ajoutant : « De la même façon, quels que soient les kilomètres parcourus pour le capturer, le poisson sauvage a souvent l’avantage sur le poisson d’élevage. Ce qui pèse lourd dans le calcul, c’est l’alimentation. ‘ De fait, à  regarder les bilans carbone d’une entreprise comme Meralliance, dont l’activité principale consiste à  fumer et transformer du saumon d’élevage, on constate que la part de l’amont est colossale : 49 % des émissions de carbone. L’emballage et le transport amont et aval ne représentent respectivement que 22 % et 11 %, la transformation proprement dite ne générant que 18 % des émissions.

Toutefois, l’Institut national de la recherche agronomique (Ania), qui s’est penché sur la durabilité environnementale de la pisciculture, montre que nombre d’espèces d’élevage s’avèrent moins gourmandes en énergie et ressources marines que du cabillaud ou de la langoustine pêchés en Scandinavie. Aussi pour Gilles Charpentier, président de Meralliance, nul doute que « le poisson sauvage sera réservé aux périodes festives, comme le gibier dans l’univers des produits carnés. L’avenir est à  l’aquaculture, une aquaculture qui sous l’oeil des bilans carbone entrera dans une spirale de progrès ‘ .

Reste à  savoir si le consommateur parviendra à  décrypter des étiquettes complexes, des « cartes vertes ‘. Mais après tout, pourquoi pas ? Dans l’électroménager, il y est bien parvenu grâce à  une harmonisation des démarches des industriels. « Elle est en cours. L’Ania, la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution et l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie s’y sont engagées ‘ , rassure Eric Labouze. Sa société en est d’ailleurs chargée.
CéLINE ASTRUC

Publié dans Analyses | Commentaires fermés sur Demain, une « carte verte ‘ pour le poisson ?

Les pêcheurs ont désormais un prédateur, l’écologie

Face à  l’audience croissante des mouvements écologistes qui militent pour l’arrêt de certaines pêches, les pêcheurs sont de plus en plus sur la défensive. Trouver un terrain d’entente entre les deux prendra du temps.

Au nom de la protection des espèces ou des écosystèmes, un certain nombre de pêcheries sont sur la sellette. C’est le cas, en Europe, pour le thon rouge, pour certaines espèces de raies et de requins, l’anguille et donc son précieux alevin la civelle, et pour les poissons de grands fonds. Des mouvements environnementalistes comme Greenpeace, WWF, Oceana, Robin des Bois, la fondation Nicolas Hulot ou l’association Bloom militent pour l’arrêt de ces pêches.

Face à  cela, les pêcheurs sont sur la défensive. Ils plaident la fragilité économique et sociale des flottilles et des ports, les efforts de gestion des pêches. Mais ils ont l’impression de ne plus être audibles.

« Actuellement, les attaques ciblent surtout les grands fonds. Demain, cela peut être d’autres pêcheries. Car c’est tout le chalutage qui est visé, par exemple lorsqu’on veut protéger les coraux d’eau froide. Le secteur est victime d’une attaque en règle qui peut lui être fatale , estime Jacques Pichon, directeur de l’organisation de producteurs Pêcheurs de Manche et d’Atlantique. Pour des raisons de communication et de marketing politique, on peut maintenant rayer du jour au lendemain une flottille de la carte. ‘

« Un enjeu de société ‘

L’interdiction, en 2002, du filet maillant-dérivant, qui était utilisé pour la capture du thon germon et du thon rouge et était accusé -à  tort -de capturer de grandes quantités de dauphins, est dans toutes les mémoires. La décision fut prise par l’Europe à  la suite d’une campagne médiatique de Greenpeace. « Ce qui est nouveau , explique Sébastien Chauvet, secrétaire du comité local des pêches de l’île d’Yeu, dont la flottille a été malmenée par cette interdiction, c’est que la pêche est devenue un enjeu de société. Les organisations environnementalistes sont en train de devenir des acteurs incontournables dans ce domaine. Elles ont désormais voix au chapitre au sein même des institutions. ‘

« Notre audience a changé parce que la place des questions environnementales n’est plus la même dans la société , répond François Chartier, chargé de campagne « océans ‘ à  Greenpeace France. Cela représente pour nous une opportunité politique. Mais cela a du sens car l’organisation est capable d’apporter une vraie expertise sur les questions environnementales. ‘

L’Europe a, la première, ouvert la porte aux environnementalistes en leur octroyant, en 2004, une représentation au sein des conseils consultatifs régionaux, qui participent à  la gestion des pêcheries. En France, les ONG ont commencé à  participer, en 2009, au Grenelle de l’environnement et à  celui de la mer, puis aux Assises de la pêche, destinées à  préparer la contribution française à  la réforme de la politique européenne de la pêche.

« Le débat environnemental touche tous les champs d’activité et la “gouvernance à  cinq” -Etat, syndicats, employeurs, élus et société civile -devient une réalité ‘ , constate Denez L’Hostis, de France Nature Environnement. « Mais, s’interroge Sébastien Chauvet, peut-on réduire la société civile aux seules ONG environnementalistes et les laisser se livrer à  une surenchère sur le dos des pêcheurs ? ‘ Ces derniers vivent d’autant plus mal cette irruption dans les institutions de la pêche que les ONG, en parallèle, ne réduisent pas leur lobbying sans concession auprès des politiques et du grand public. Certains représentants de la pêche dénoncent, pour cette raison, leur manque de loyauté ou une attitude peu démocratique.

« De nouveaux acteurs ‘

« Nous ne voulons pas perdre notre rôle d’aiguillon , explique François Chartier. Pouvoir faire évoluer une situation par le rapport de force peut être nécessaire lorsqu’il y a urgence. Comme pour le thon rouge. ‘ « Les modes de régulation, les tutelles et les institutions traditionnelles de la pêche s’effondrent , note pour sa part un responsable de la filière pêche. Ce sont de nouveaux acteurs qui émergent au détriment des organes détenant une légitimité politique et élective. Ces deux éléments dessinent en creux la pêche de demain. ‘ « Les structures de la pêche ont-elles plus de légitimité pour représenter les pêcheurs ? , s’interroge Denez L’Hostis. Les pêcheurs croient connaître l’environnement parce qu’ils sont en mer. Mais cela se limite souvent à  leur cadre de travail. La dimension environnementale a longtemps été ignorée. Aujourd’hui, le balancier est parti dans l’autre sens. Cela dit, il y a des terrains d’entente à  trouver entre pêcheurs et environnementalistes. Cela va prendre du temps, mais c’est la seule solution. ‘
PHILIPPE URVOIS

Publié dans Analyses | Commentaires fermés sur Les pêcheurs ont désormais un prédateur, l’écologie