Echo…pepode

« 1 kg de poisson (une truite par exemple) nécessite la consommation de plus de 100 kg de plancton animal et 1000 kg de plancton végétal !

Contrairement à  une idée reçue, ce n’est pas la forêt mais le plancton végétal qui est le premier producteur d’oxygène sur Terre (plus de 65 % !) ».

Pour vous familiariser avec le grand monde invisible du plancton, plongez dans les bulletins de l’observatoire du plancton et autres documents figurant sur leur site.

Echo pepode n°6

Echo pepode n°7

Echo pepode n°8

Fiche pédagogique

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Préservation des étangs palavasiens : la victoire de longue lutte des prud’hommes et des associations environnementalistes

Après 13 ans d’affrontement juridique, les anciens prud’hommes pêcheurs de Palavas  » Serge Pellat et Jean-Pierre Molle  » engagés à  faire appliquer la loi Littoral avec les associations de protection de l’environnement (ADEP et CLiVEM) sont enfin libérés de l’accusation portée par le Maire .

Photo Sophie Hourdin Marty

{« Les étangs, c'est bon pour la pêche, les oiseaux, le plancton, l'attrait touristique mais aussi l'étalement des eaux en période de crue '}


Le 9 avril 2009, la Cour de Cassation a débouté la Commune de Palavas qui avait assigné en justice ces 2 associations et 6 de leurs administrateurs pour « abus d’ester en justice ‘. Les juges ont ainsi confirmé l’action de « veille environnementale ‘ de ces associations en reconnaissant leurs résultats : retrait non contesté du projet de ZAC du Levant (1400 logements), annulation des permis de construire de la Tour de la Redoute, et pas moins de 40 ha de zones humides, voués à  être comblés et urbanisées, reclassés en zone naturelle. Par leur travail, l’ADEP et le CliVEM ont contribué à  la mise en place de mesures de protection telles que l’arrêté préfectoral de biotope de l’Etang du Grec. Aujourd’hui, les étangs palavasiens, comme l’étang de l’Or, sont engagés dans une démarche Natura 2000 et reconnus comme des sites « Ramsar ‘ (zones humides d’importance internationale), signe que ces milieux naturels ne doivent plus être considérés comme des espaces voués aux aménageurs et promoteurs immobiliers, mais des écosystèmes riches qu’il faut préserver.

Texte du communiqué de presse

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La bouillabaisse : en paroles et en images

Bouillabaisse - Photo Sophie Hourdin Marty Pour 8 personnes :

La bouillabaisse, chacun la fait à  sa manière, ses habitudes. Y a qu’une chose à  laquelle il faut pas déroger, il faut du poisson de bouillabaisse  » rascasses, rouquiers (labres et crénilabres), galinette (grondin), chapon (grande rascasse rouge, seire (labre vert ou labrus viridis), tourdereau (merle ou labrus merula), vive, congre, seiche  » du poisson de roche qui donne du goà’t au bouillon. Du poisson noble, il faut impérativement un saint-pierre par tradition. Après, un sar, une dorade, une oblade, voire même un sévereau (chinchard), tu peux les mettre si tu as des gosses parce que c’est plus facile à  trier.

Auparavant, je fais 3 litres de fond de soupe, du bouillon avec des poissons de roche. Ce sont les mêmes poissons mais en plus petits, des rouquiers, des rascasses tu restes dans le même contexte de goà’t. Avec ce bouillon, ça augmente les saveurs, les gens y trouvent un maximum de goà’ts.

Pour le bouillon de poissons de roche : je fais revenir 2 oignons dans de l’huile. Quand ils commencent à  peine à  dorer, j’envoie les poissons  » un kilo et demi de poissons de roche  » je remue ; il faut que ça reste un peu huileux, que ça accroche pas. Quand le poisson blanchit un peu, qu’il se casse, je rajoute du sel, du poivre  » pas d’aromates, ni concentré de tomates, même pas de safran puisqu’il y en aura dans la bouillabaisse  » un bouquet garni, un peu de pastis léger et je couvre d’eau. Après vingt minutes de cuisson, je broie, je presse tout. Si je fais le bouillon à  l’avance, je le congèle dans des bouteilles en plastique remplies au ¾. Je le sortirai la veille de la bouillabaisse.

Et maintenant la bouillabaisse : Tu mets un verre d’huile au fond, y en a qui en mettent un demi-litre, moi j’en mets pas beaucoup, j’aime pas quand c’est gras, 2 kgs de pommes de terre coupées grossiers, en cubes, 2 gros oignons émincés, 2 à  3 tomates coupées grossièrement, ça lie bien le bouillon mais s’il fait très chaud, ça fait tourner vite le bouillon, une petite boîte de concentré de tomates, une grosse tête d’ail, ¼ de verre de pastis si tu aimes l’anis  » l’alcool s’évapore et il reste le goà’t, tu peux aussi mettre du fenouil mais dès fois le bâton part en morceaux  » 2 à  3 doses de safran, un bouquet garni, sel, poivre, 5 à  6 tranches de congre, 1 kilo de seiches nettoyées, tu enlèves l’os, la peau et tu les coupes en morceaux, les grosses têtes tu les coupes en 2 ou 4, tu rajoutes un demi-kilo de crabes et cigales pour faire joli, tu remues tout ça. Tu verses le bouillon dans le chaudron, il faut que cela dépasse d’un pan (25 cm) environ, que tu aies de la place pour faire cuire tes poissons. Tu mets à  bouillir sur le feu de bois  » ou sur un brà’leur qui va fort. A partir du moment où ça bout fortement, tu comptes 20 mn pour cuire tous les poissons. En premier, tu rajoutes les moules. Cinq minutes après tu rajoutes les gros poissons (chapons, grosses rascasses, grosses seires, tourdereaux, galinettes ou vives). De 10 à  15 mn après, tu rajoutes toutes les rascasses et rouquiers plus tendres. Dans les 5 dernières minutes, tu rajoutes un petit sar, un peicoi si tu en as, et le saint-pierre. Tout dépend de la grosseur du saint-pierre, s’il est petit, tu le mets dans les 2 dernières minutes, qu’il soit à  peine poché. Entre temps, il faut goà’ter car les moules, elles ont craché. Au départ, il faut pas trop saler et poivrer, et ajuster ensuite. Si tu mets les moules trop tôt, tu retrouves que les coquilles. Tu sors le chaudron et il faut sortir le poisson le plus rapidement possible de là -dedans, le réserver, sinon ça continue à  cuire. Tu le mets sur le faouque ou sur des plats, et tu vides le bouillon dans des récipients. Tu sers le bouillon avec des croutons frottés à  l’ail ou de la rouille.
Photo Sophie Hourdin Marty

Certains servent le poisson avec le jus, d’autres commencent par le bouillon, d’autres par le poisson. Il faut conserver ses habitudes.

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« Boui-abaisso ‘ : quand ça bout, baisse le feu

Avant les vieux, ils coupaient les pommes de terre en morceaux, et ils les mettaient au fond. Dessus, ils mettaient les gros poissons, puis les rascasses, les crabes, les rouquiers et les moules. Ils faisaient bouillir et ils baissaient un peu pour faire cuire le tout 20 mn. Vingt minutes de cuisson, c’est pour les pommes de terre en morceaux. Ils goà’taient la pomme de terre, selon ils laissaient une ou deux minutes de plus. Cette recette, c’est un peu un carnage, tu reconnais pas toujours les poissons, ils se mélangent et tu sais plus à  qui sont les têtes ! à‡a, c’est la « vraie ‘ bouillabaisse qui vient du temps où les pêcheurs pêchaient dans les îles. Quand ils avaient du vent, qu’ils pouvaient pas rentrer, ils avaient le chaudron, du bois, de l’eau, du pain dur, des herbes, des oignons, des pommes de terre

Recette de Jean Canale, patron pêcheur et prud’homme aux Salins d’Hyères

Autres photos de Sophie Hourdin-Marty sur la préparation de cette bouillabaisse entre plusieurs Prud’hommes et les apprentis et professeurs du CFA cuisine de Giens, le 7 mai 2009

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Un rôle de sentinelle de la Méditerranée sur le Golfe de La Ciotat « Nous sommes les acteurs de terrain, des acteurs locaux ‘

La mer c’est un jardin, j’ai 22 ans de compétition de chasse sous-marine, à  peu près 30 ans de chasse sous-marine. En 1988-89, j’ai été vice champion d’Europe et vice-champion du monde. Après comme je n’avais pas gagné le championnat du monde, que la consécration suprême j’allais pas y cavaler derrière toute ma vie et que ça me perturbait trop dans mon métier de pêcheur professionnel de partir pendant des semaines, j’ai changé d’orientation. Pour l’Agence de l’eau, je fais un suivi permanent de l’état des ressources, des posidonies, des espèces invasives, des espèces en baisse (comme les gorgones qui se mettaient à  mourir dans les années quatre-vingt Sur les 40 dernières années, le golfe je l’ai battu en tant que pêcheur d’oursins, pêcheur sous-marin, par-dessus, par-dessous, en calant des palangres

Petit métier de La Ciotat - Photo Alain Ponchon

{Quand on commence à piquer des poissons avec une aiguille, on n'a plus trop envie de les piquer avec une arbalète. Aujourd'hui, je m'éclate quand je descends capturer des anthias, que je leur fais faire des paliers et que je suis au milieu des mérous que je tuais avant. Je les vois différemment. De vivre avec, c'est comme un berger avec ses brebis. Je vis au milieu de cet écosystème marin.}

On ne voit pas moins de poissons ou d’invertébrés. Des poissons, on aurait même tendance à  en voir plus pour une majorité des espèces mais les comportements ont été modifiés par la sur-fréquentation du plan d’eau. Les sars qui sont des poissons qui naviguent d’1 m à  100 m de profondeur et qui sont très polyvalents quant à  l’occupation du plan d’eau se sont habitués aux filets, aux plongeurs et aux chasseurs. Ils sont devenus capables de reconnaître quelqu’un qui chasse et quelqu’un qui ne chasse pas. On les a autour de nous en plongée bouteille, ils viennent manger dans la main, et quand on a une arbalète, ils se tiennent à  portée de longueur de l’arbalète. Comme disait un copain : « Les poissons, ils parlent 4 langues ! ‘. Les oblades, quand je jette les têtes de chinchards, elles montent comme des folles à  la surface. Vous prenez un fil avec un appât, vous en prenez une et après c’est fini. Pendant une semaine, vous n’en prenez plus Elles ont été à  l’école et c’est une bonne chose. Quand les pêcheurs ont essayé les premiers monofilaments il y a 50 ans, ils montaient des embouteillages de pageots dans les fonds de 35-40m. Des fois, ça ne passait pas dans le treuil. Après, ils ont cru qu’il n’y en avait plus. Et quand on s’est mis à  pêcher au palangre fin, ils ont vu que des pageots, il y en avait encore. Les pageots se sont habitués et je suis pratiquement persuadé qu’il y a des facteurs génétiques, que des spécimens naissent avec plus de méfiance qu’avant. En Corse, on retrouve le comportement des poissons d’il y a 50 ans ici parce que le plan d’eau est occupé, et encore pas partout, 2 mois dans l’année. Les corbs, en Corse, ils sont dehors, on les voit ; ici, ils glissent, ils se planquent Et dans les réserves et les aires marines protégées, dès que vous dépassez la limite, 10 m plus loin, c’est fini, il n’y a plus de poissons

Poisson papillon - Photo Gérard Carrodano
{La posidonie est en bon état. Moi aussi quand j’étais jeune je croyais que le gangui c’était la destruction. A La Ciotat, nous faisons le gangui avec la barre, le gangui à  partègue. Mon avis a changé le jour où je suis descendu et je me suis accroché sur un filet de gangui. Le gangui coiffe l’algue. De là  à  dire que ça fait du bien, mais ça fait pas du mal. D’ailleurs si c’était le cas, ce ne serait pas viable pendant des années.}

A propos des dégâts occasionnés par les mouillages, on a deux exemples flagrants. On a un herbier magnifique dans la baie et avec la maintenance des bateaux de haute plaisance faite par le chantier naval, il arrivait des unités de plus en plus grosses qui mouillaient parfois deux jours devant le chantier. Avec la Prud’homie  » puisque je suis prud’homme également  » on a convoqué les grandes entreprises, on a fait une cartographie de la zone avec des points de mouillage souhaités pour les grosses unités et ces points ont été communiqués à  tous les clients potentiels. Il y avait encore quelques écarts dus à  ce que les bateaux étaient sous pilotes, et que les pilotes, on avait oublié de les convoquer. On les a contactés via le CROSS et le sémaphore pour qu’ils fassent mouiller les bateaux de plus de 20 m dans au moins 30 m d’eau. Au-delà  de 30 m, il n’y a plus de posidonies. S’il n’y a pas des sentinelles comme nous pour le signaler, on vous laboure l’herbier de posidonies On a eu le même problème avec des sites fantastiques pour la plongée de loisirs, à  l’est de l’àŽle verte. Il y avait un risque d’agression par les mouillages dans cette zone où il y a plein de mérous, des gorgones rouges de plus d’1 m de long et qui peuvent atteindre 100 ans. Avec l’appui du Conseil Général des Bouches du Rhône et de l’Agence de l’eau, sur les 5 roches principales, on a mis des anneaux en inox fixés au fond et toutes les écoles de plongée descendent un bout, le passent dans l’anneau et remontent à  la surface. Depuis, le fond souffre moins. Pour les particuliers, y a un arrêté préfectoral qui interdit le mouillage ; soit ils passent un bout dans l’anneau, soit ils laissent une veille et tournent autour des plongeurs. Malgré ça, de temps en temps, les gens ne savent pas, il y a des mouillages. Quand je passe avec mon bateau, je leur donne la plaquette d’information et je les préviens. En général ça se passe bien.

un drôle de saint pierre ! - Photo Alain PonchonIl faudrait aussi faire des enrochements dans le milieu naturel pour pouvoir augmenter les zones de pêche, c’est tellement évident La baie, c’est de la posidonie avec quelques roches dans les fonds de 60 m. Dans la zone des 40-50 m où il y a moins de chasseurs sous-marins, on mettrait des roches de carrière pour durcir le fond Au bout d’un an, c’est opérationnel, vous augmentez la biomasse de poissons et le nombre de sites de pêche. Les récifs, ça coute cher, et la différence avec l’éboulis c’est qu’en tombant les roches font leurs trous. Les poissons vont choisir où ils vont faire leur nid, dans un endroit où ils sont à  l’abri des prédateurs et où eux-mêmes sont des prédateurs. Ils voient avec les courants. Nous les chasseurs sous-marins, on comprend un peu. A un moment donné, on a mis des tubes en fibrociment ou en ferraille pour pêcher des congres et on s’est rendu compte que seuls les tubes exposés du côté du courant leur convenaient. A certaines périodes, vous aurez des concentrations de poissons, à  d’autres non. Dès que les algues calcaires commencent à  se fixer dessus, ça démarre, vous avez les invertébrés et toute la chaîne se met et puis voilà . Les japonais sont les rois. Nous, on a 500 ans de retard Vous regardez la télé, on vous montre les merveilles de la mer. Quels que soient l’océan et la zone, on vous montre chaque fois des épaves. Mais des épaves, c’est interdit d’en mettre

Gérard Carrodano, prud’homme pêcheur à  La Ciotat, spécialisé dans la capture d’espèces vivantes
Bateau « Barbe d’or ‘ (9m60, 200 cv)

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Un petit métier à  la pointe de la valorisation – la capture de spécimens pour les aquariums

Gérard Carrodano - Photo Sophie Hourdin Marty

Le petit métier s’incorpore dans la chaîne alimentaire. Le petit métier, c’est un gros poisson !  Je ne défends que les pêcheurs qui parlent en kilos pas en tonnes L’idée est de pêcher moins et vendre mieux. Je pêche pour les aquariums, un peu partout en Europe. Le poulpe se vend 100 €. Un labre de 500 g qui vaut 8 à  10 € pour l’alimentation est vendu 50 à  60 € à  un aquarium. Pour 1 kg de poissons, j’arrive à  faire le même chiffre d’affaires qu’avec au moins 100 kg. Sans fausse modestie, je connais peu d’exemple de diversification où l’effort de pêche est si petit. D’un autre côté, si on était 10 à  faire cela, ça ne marcherait plus vraiment. La valeur ajoutée, c’est que je le pêche intact, je l’acclimate pour qu’il se nourrisse en captivité, je le garde dans de bonnes conditions et je le livre à  bon port… Il m’a fallu passer un certificat de capacité en aquariophilie qui n’est pas évident mais avec cette formation je peux conseiller les clients. Continuer la lecture

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Quand l’infiniment petit rime avec nos choix de développement

I. Ecloserie de homards : « Les pêcheurs m’ont offert les moyens de les aider ‘

En 1972 quand des marins pêcheurs m’ont demandé de travailler avec eux dans la gestion de la ressource pour comprendre un peu ce qui se passait dans la disparition de certaines espèces et la diminution des stocks, je leur ai expliqué qu’il fallait monter un laboratoire dans lequel on produirait du plancton végétal, puis du plancton animal, ensuite on déciderait ensemble des espèces à  repeupler à‡a a été un beau parcours où les pêcheurs ont construit une écloserie, un laboratoire à  l’île de Houat, en face de Quiberon.

Construction de l'écloserie de Houat avec les pêcheurs- Photo UNICOMA

Déjà  à  cette époque, leur volonté était de réensemencer la mer pour éviter la disparition de la petite pêche artisanale. Ils pratiquaient une pêche côtière à  la journée avec des casiers, des lignes, le bao (palangre), et le filet pour quelques-uns. Il y avait 80 pêcheurs sur une île de 350 habitants ! C’est pas mal

Ils étaient organisés en coopérative à  l’époque. Celle-ci regroupait plusieurs centaines de marins pêcheurs sur le littoral, du Croisic à  Lorient. Avec mon collègue Jean Le Dorven, nous étions rémunérés par la coopérative en tant que biologistes de service. On essayait d’apporter des réponses à  leur question sur la ressource, la biologie, l’écologie, l’aquaculture Nous, une aquaculture sans les pêcheurs ne nous intéressait pas, c’était eux qui devaient décider quelle sorte d’aquaculture l’on pourrait développer sur le littoral.

L’écloserie s’est arrêtée en 1990, elle a été rachetée par une grande firme de cosmétiques, intéressée par le plancton. Au départ, il était prévu que l’on continue à  faire du homard mais le bâtiment et les bassins ont été détruits pour faire place à  un laboratoire sophistiqué avec une vitrine à  l’entrée C’est devenu un outil moderne, ça c’est sà’r, mais qui ne fait plus de bébés homards.

Des années après nos repeuplements, les pêcheurs de Houat reconnaissent que le stock de homards n’a pas diminué. Non seulement, on n’a pas fait que stagner mais les captures sont passées de 2000 t à  3000 t en France ! Et ce n’est pas comme au Canada où les homards canadiens vivent enfouis dans la vase comme les langoustines.

II. Etang de Thau : « La crevette, on l’élèvera dans son milieu, il suffit de mettre quelques enclos ‘

J’ai démarré la crevette dans l’étang de Palavas et dans l’étang de Thau avec les prud’hommes. C’était super, c’est un bonheur avec eux. L’idée était de voir comment on pouvait élever de la crevette pénéide, mais de façon extensive, sans apport de nourriture. On avait réussi ! On faisait des enclos sur les tocs de l’étang de Thau, du côté de Sète. Tu as de l’eau peu profonde, tu as des grandes surfaces avec une productivité de plancton incroyable Les tocs, on peut dire que ce sont de « petits ‘ plateaux continentaux avec une forte diversité de plancton animal et végétal qui permet d’alimenter l’étang de Thau. A la différence du bouquet des côtes atlantiques qui est détritivore, qui mange des cadavres de poissons, etc. les pénéides sont des gros consommateurs de zooplancton ; dans les zones tropicales elles sont très grandes. La pénéide, c’est du haut de gamme dans la chaîne alimentaire ! On s’est dit : « à‡a doit pousser tout seul ‘. On faisait des enclos de 1000 m² et on mettait des crevettes : dix-mille, pas beaucoup ; on les suivait et on avait de belles croissances, sans apport de nourriture. On a fait ça pendant deux, trois ans mais il y avait de grands projets immobiliers entre Sète et le Cap d’Agde. Sur le cordon lunaire de 17 km, des promoteurs voulaient bétonner. On parlait de dizaines de milliers de lits On a monté une association à  l’époque pour dénoncer cela. C’était impossible c’était dans les années 1980-85. Avec les pêcheurs, on a montré que c’était des zones à  préserver pour la nature, et aussi que l’aquaculture n’était pas incompatible avec le respect de l’environnement. Au lien de bétonner le cordon lunaire, les marais salants, nous on disait : « La crevette, on l’élèvera dans son milieu, il suffit de mettre quelques enclos ‘. Bien-sà’r, ça n’a pas plu à  tout le monde, et à  chaque fois, trois semaines à  un mois avant la pêche, t’avais des commandos qui arrivaient et qui déchiraient tout. Ils détruisaient tous les parcs On voyait bien de quel bord ils venaient. A la fin, les derniers enclos, on avait mis des miradors. On avait une cabane et un pêcheur avec un fusil et un projeteur : l’horreur C’était pas possible de faire cette aquaculture comme ça, On a arrêté. C’était pas dans la philosophie des pêcheurs de faire des choses pareilles Bien sà’r que les pêcheurs, par la couleur, par l’odeur de l’eau, par tous les indices qu’ils remarquent peuvent apporter des informations formidables.

Alevin de homardJ’ai bossé au Japon pendant 3 mois, au début des années 70. Là -bas, y avait des écloseries où ils mettaient des centaines de millions de poissons-larves à  l’eau, et ils les récupéraient

III. Bétonnage littoral : « Plus y a de flamands roses, plus le milieu est pauvre ‘

Y avait une publicité à  côté de Carnon qui disait en gros : « Nos constructions sont compatibles avec l’écologie puisque les flamands roses prolifèrent ‘. Plus les constructions de la Grande Motte, Carnon, Palavas se développaient, plus les flamands roses venaient ! Je me dis : « Si les flamands roses deviennent des auxiliaires du bétonnage du littoral ‘. Je vais voir un pêcheur et j’lui dis : « Les flamands roses, ils sont en train de nous mettre la pagaille ! ‘ Il m’a raconté : « Je vais t’expliquer : avant, quand y avait pas de bétonnage, quand l’eau circulait bien, quand les eaux douces rentraient dans l’Etang de l’Or ou de Carnon, y avait des échanges avec la mer, c’était formidable. D’abord on avait 1m50 de hauteur d’eau, c’était super, on avait du plancton, des crabes, des coquillages, des poissons une diversité incroyable ! Et quand ils se sont mis à  bétonner, au début, y avait pas de flamands parce qu’à  1m50, ils se mouillent le ventre ! Il leur faut de l’eau jusqu’aux genoux, il ne faut pas que ça dépasse. Depuis qu’ils ont bétonné, ils ont fermé des vannes, éviter des changements d’eau entre la lagune et les eaux douces. Les niveaux ont diminué, on est arrivé à  50 cm d’eau. Aujourd’hui les crabes, les coquillages, les poissons ont disparu, il n’a survécu que le plancton animal et le plancton végétal, et ça tombe bien parce que les flamands roses, c’est ça qu’ils veulent ‘. Il était fou le pêcheur C’est une catastrophe les flamands roses ! Ils sont un indicateur de déséquilibre du milieu.

IV. L’incidence dramatique d’un projet touristique pharaonique

  1. une eutrophisation à  50 m de profondeur

« Pierrot viens-voir au large de Belle-Ile, on comprend pas, l’eau elle est noire ; quand on relève les filets, les poissons, ça sent l’œuf pourri ‘. C’est le barrage d’Arzal sur la Vilaine qui avait été ouvert 3 semaines auparavant, provoquant un apport de nutriments excessifs. Avant le barrage, la mer, elle gérait tout cela en 12 mois, là  on lui demande de gérer tout cela en 15 jours. Face à  une pollution organique en grande quantité, elle répond par un développement anarchique très mono-spécifique de plancton qui occupe tout le terrain, s’écroule sur le fond, et accélère le développement bactérien. Au fond, il. y a donc une couche de boues planctoniques qui sont digérées par des bactéries fortement consommatrices d’oxygène. Alors les vers, les fouisseurs, les coquillages disparaissent On trouvait les coquillages pincés sur les filets, ils cherchaient à  sortir de là , c’était une stratégie, un réflexe. Ils s’accrochent à  ce qu’ils trouvent, une épave, une algue, un filet C’est un indicateur d’eutrophisation sur le fond. Au microscope, on voyait que la boue au fond était composée de millions de diatomées en décomposition et à  l’intérieur des espèces comme des dinoflagellés qui, elles, peuvent résister aux déséquilibres du milieu.

Quand je suis revenu à  Beg meil, j’ai raconté cela aux pêcheurs. Ils m’ont dit : « T’avais pas besoin d’aller à  Belle-àŽle, on a la même chose aux Glénan ‘ A cause du barrage toujours.

Dinoflagellé Dinophysis - Photo Maurice LoirOn a eu l’expérience des marées noires en Bretagne qui sont violentes car elles polluent d’un seul coup, et 10 à  15 ans après, c’est étonnant comme la nature a repris le dessus. Le problème, c’est la pollution diffuse  » 20 fois le prestige chaque année avec les dégazages, rejets licites ou illicites – qui peut avoir un impact à  long terme et qui est assez inaperçue.

2°) Un projet de marina, les pieds dans l’eau dans les marais de Guérande

Marais salant de Guérande Le barrage avait été fait dans les années 70, pour réguler la montée des eaux des grandes marées dans le pays de Redon qui avait les pieds dans l’eau une fois par siècle environ. Au départ, le barrage était là  pour n’être fermé qu’aux grandes marées problématiques, ce qui est très rare. Mais on a bloqué les vannes. Conclusion : la marée s’est retirée et l’eau douce est restée derrière le barrage, faisant un grand lac. A partir de ce lac, a été montée une station de traitement des eaux pour alimenter la presqu’île guérandaise. On ne pouvait pas développer du tourisme industriel à  La Baule s’il n’y avait pas d’eau douce au robinet On a fait croire à  tout le monde que c’était pour le pays de Redon mais c’était en fait pour développer un tourisme industriel à  La Baule. Derrière ça, étaient programmées la destruction de tous les marais salants de Guérande et la construction du plus grand port européen de plaisance On s’est battu : « Guichard, t’auras pas nos marais ! ‘ On a gagné, le projet de marina, les pieds dans l’eau dans les marais de Guérande, a été abandonné. On l’a échappé belle, toutes les autoroutes avaient été programmées. C’était le même type d’aménagement qu’à  la Grande Motte, on gardait un ou deux paludiers pour les cartes postales. A l’époque, 50% des marais étaient à  l’abandon, on en comptait 180 à  200. Aujourd’hui une grande partie a été remise en état, on en dénombre 280 à  300. A un moment donné, le barrage il faut bien faire une chasse d’eau mais tu ne sais pas si l’année va être sèche ou pas, alors tu attends le dernier moment aux mois d’avril-mai, au printemps. Tu lâches un peu car, s’il pleut, tu vas avoir des problèmes ; c’est juste l’époque où il ne faudrait pas car la productivité primaire est en train de se réveiller. Tu balances dans la mer des milliers de tonnes d’eau chargée en matière organique et tu déséquilibres tout l’écosystème.

3°) Depuis 30 ans on a perdu tous les sprats, anchois, sardines dans la baie de la Vilaine

Ce n’est pas un hasard si la Turballe était un port sardinier, c’est que la Vilaine apportait tous les nutriments qui permettaient au phytoplancton de se développer, aux copépodes et aux sardines de venir. La Turballe a été développée pour la pêche de ces poissons et, depuis le jour où il y a eu un déséquilibre de cet écosystème, 30 ans en arrière, il n’y a toujours plus de sardines, d’anchois. Et en 30 ans, il y a eu 4 m de bouchon vaseux à  l’estuaire, ça a été la disparition des 2000 t de moules produites à  Tréhiguier. C’était un des grands centres producteurs de moules. Les pieux ont disparu en-dessous, parfois tu vois des têtes de pieux qui dépassent

V. « Paludier  » parqueur  » pêcheur ‘ ou comment vivre en lien avec la chaîne alimentaire ?

Rien ne sert de développer certains secteurs de l’aquaculture industrielle pour produire du poisson très cher et en trop faible quantité alors que la mer bien gérée est une source inépuisable et à  bon marché. Tel en témoigne l’exemplarité de la Presqu’île Guérandaise. Au départ, il y a les marais salants qui, malgré leur apparence, ne sont pas des « bacs à  sel’ ; le plancton végétal s’y développe grâce à  l’entretien, par les paludiers, du réseau hydraulique. Ce plancton nourrit les parcs conchylicoles qui alimentent à  leur tour, par les millions de larves pondues (plancton animal), poissons et crustacés du littoral au bénéfice des pêcheurs. L’implication de ces derniers dans la préservation de leur environnement est régulièrement relatée dans cette revue : engins sélectifs, rotation des espèces ciblées, cantonnements, actions contre la dégradation du milieu marin

VI. La conchyliculture, une activité d’intérêt général

La conchyliculture, c’est une activité qui mérite d’être protégée. Non seulement, elle participe à  l’enrichissement planctonique mais c’est aussi un super indicateur de la qualité des eaux. Le coquillage se nourrit de ce qu’il y a dans l’eau, et il est bon ou pas bon. Aujourd’hui, des entrepreneurs ferment à  cause de la mauvaise qualité des eaux. Ils paient très cher, ils font faillite parfois, et ils n’y sont pour rien. C’est injuste ! Sachant que les normes européennes sont strictes (1), quand les conchyliculteurs ne pourront plus élever les coquillages, ce sont les plages qui seront interdites à  la baignade

Collecteur d'huîtres - Photo Pierre Mollo

VII. Associer les gens du littoral aux nouveaux projets

Il va y avoir une expérience à  Lorient, pour 3 ans, sur des carrières de kaolin. Quand on arrête l’exploitation, l’eau qui stagne devient très verte et ces algues seraient intéressantes pour les agro-carburants. Comme ces carrières, on ne sait pas trop quoi en faire, l’idée serait de booster un peu. Les éléments minéraux sont là  et il suffirait juste de contrôler un peu la production de phytoplancton. Si ça ne pose pas de préjudices à  l’environnement, pourquoi pas ? D’autant plus que ces agro-carburants ne rentrent pas en concurrence avec l’alimentation comme dans le cas des végétaux. Je souhaiterais que les gens du littoral soient associés à  ce projet, plutôt que des multinationales. Ce sont des territoires qui nous concernent, ça crée des emplois, on peut faire des coopératives, les pêcheurs ont su faire du phytoplancton

(1) : Pour une bonne qualité des eaux, la norme est passée de 2000 à  500 coliformes fécaux par 100ml d’eau

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Pierre Mollo - Photo Katell MolloA la croisée du plancton et des artisans de la mer

Pierre Mollo a commencé sa carrière « plantonique ‘ par la construction d’une écloserie de homards avec les pêcheurs de Houat (150.000 juvéniles par an) et la mise au point de la reproduction d’huîtres plates. Avec les paludiers de Guérande, il a montré l’interdépendance « planctonique ‘ entre paludiers, conchyliculteurs et pêcheurs, et la nécessité de préserver ces métiers. Peaufiner et transmettre savoir-faire et connaissances dans les lycées agricoles, aquacoles et de la mer, auprès des professionnels et du public, assurer le suivi d’expérimentations dans d’autres pays (coopération internationale), constituent le troisième axe d’un parcours original. Et pour témoigner de ces aventures collectives, Pierre a réalisé 25 films et vidéos.

« Aujourd’hui la concertation entre les gens de la terre et de la mer pour la reconquête de la qualité des eaux et la pérennisation de nos métiers occupe tout mon temps. ‘

C’est-à -dire en pratique :
– participation à  des films (non des moindres !) : « L’océan ‘ de Jacques Perrin (sortie prévue en octobre 09) et « Planète plancton ‘, 2 films 52mn de Jean-Yves Collet pour ARTE (automne 2009)
– Création du site de plancton du monde
– rédaction d’un livre : « L’enjeu plancton ‘ avec Maêlle Thomas-Bourgneuf. Edition : Fondation Charles Léopold Mayer pour le progrès de l’homme (sortie prévue oct. 2009)
– des conférences sur demande : pierre.mollo@sfr.fr

NB : Le centre « Cempama ‘ sur le site de Beg Meil où Pierre Mollo a été enseignant-chercheur se nomme aujourd’hui « Agrocampus ‘. Celui-ci démarre avec l’Université de Bretagne Sud, en septembre 2009, une licence professionnelle : « Coordination Interprofessionnelle des zones côtières ‘.
Informations sur les sites de l’université ou de agrocampus

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Pour en savoir plus sur le plancton :
Site de plancton du monde
Site de l’observatoire du plancton
La mer, ce n’est pas que de la surface, elle respire

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L’encre de mer n° 22-23

Et vous, comment voyez-vous la pêche en 2020 ?

– Faut-il poursuivre la concentration du secteur et favoriser de grandes entreprises dont la logique financière et productive est fondée sur la mobilité (des capitaux, des facteurs de production, des marché) avec les conséquences de mondialisation, délocalisation et surcapacité des flottilles que nous connaissons ?

– Faut-il privilégier systématiquement des communautés pléthoriques de pêcheurs pour le poids économique et social qu’elles représentent dans leurs pays ?

– Ou faut-il construire des espaces régionaux spécialisés dans l’Europe,
au sein desquels les pêcheurs jouent des rôles spécifiques : partenaires d’une spécialisation touristique et résidentielle sur nos côtes méditerranéennes, acteurs d’un secteur économique diversifié de dimension régionale sur les côtes bretonnes ?

Au sommaire de ce numéro :

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A qui appartiennent la ressource marine et les zones de pêches ? – Que peut-on attendre d’une recherche renouvelée ?

A qui appartiennent la ressource marine et les zones de pêches ?

Le Livre Vert sur la pêche pose la question des « quotas individuels transférables », un outil de « privatisation » de la ressource marine avant sa capture, soit encore une forme de privatisation du vivant. A qui appartiennent la ressource marine, et les zones de pêche, si ce n’est aux contribuables ?

– Fut un temps où ces deux composantes étaient dédiées aux communautés de pêcheurs pour leur permettre de vivre tout en approvisionnant nos marchés. En Méditerranée, cette forme-là  s’est imposée jusque dans les années soixante. Les Prud’homies de pêche étant chargées d’organiser la répartition des droits d’usage entre les membres de la communauté de manière à  éviter les conflits et permettre à  chacun de vivre de son métier tout en en laissant pour ses enfants… Soit un développement « durable » avant la lettre.

– Vint le temps du productivisme où ressource marine et zones de pêche furent attribuées aux unités les plus modernes ? La gestion d’une répartition de l’effort de pêche entre équipements relativement équivalents fit place à  une gestion de la compétitivité fondée sur l’innovation technologique. Avec pour corolaire, à  propos d’une ressource limitée, la surcapacité des flottilles.

– Aujourd’hui, ressource marine et zones de pêche doivent être protégées pour les générations futures, et partagées entre de multiples acteurs. La question de leur allocation se pose à  nouveau. Doit-on les privatiser ? Et si oui, de quelle manière ? Par des outils financiers accessibles aux grands armements, avec le risque que ces propriétés passent aux mains de sociétés internationales, voire extra-européennes ? Quel intérêt pour les contribuables régionaux, français, européens de voir leurs richesses s’envoler ?

Que peut-on attendre d’une recherche « renouvelée » ?

Lors de la réunion de Rochefort, les chercheurs ont souligné la nécessité de renouveler leur activité pour considérer :
– relations entre espèces
– relations espèces – environnement et climat
– des modèles écosystémiques
– l’état de santé des écosystèmes (définition de critères)
– des analyses à  grande échelle et sur longue durée

A propos d’une démarche écosystémique, ils expliquent qu’elle doit s’appuyer sur l’environnement dans son ensemble : les relations proies-prédateurs, les impacts (destruction des frayères, extraction de granulat, pollutions, changements climatiques), ainsi que les différents usages des écosystèmes maritimes (conservation de la biodiversité, rôle de régulation par rapport au climat, épuration des eaux, tourisme, pêche).

Et ils en tirent la conclusion immédiate que l’intégration de ces nouvelles variables dans leurs modèles se traduira nécessairement par de nouvelles règles pour minimiser l’impact de la pêche sur les écosystèmes, soit ipso facto une réduction de l’effort de pêche par la casse de nouveaux bateaux, ou la répartition de l’effort de pêche au sein des flottilles existantes…

Sur le plan environnemental, l’on aimerait voir appréhender :
– l’impact des pollutions marines sur la chaîne alimentaire dont 80% viennent de la terre, et les moyens d’y remédier,
– l’impact des pollutions et autres actions sur le plancton qui est à  la base de la chaîne alimentaire. Sachant qu’un relâcher intempestif de barrage peut éradiquer sprats, sardines et anchois à  l’échelle du Golfe du Morbihan depuis 30 ans, l’on peut se rendre compte de l’importance de cette question…
– l’impact du prélèvement massif des espèces fourrages sur la chaîne alimentaire sachant qu’il représente 1/3 des captures mondiales et 1/5ème des captures européennes
– l’évaluation des captures massives de la pêche industrielle et leur impact en termes de rejets, rythme de captures…
– les moyens d’accroitre la richesse biologique marine : gestions littorales, cultures marines, opérations de repeuplements, implantations de récifs…

Aux niveaux économique, social, culturel, environnemental, l’on aimerait voir discuter du choix de mode de développement. Continue t-on à  partir d’une situation héritée d’un développement productiviste à  privilégier implicitement les unités les plus modernes, et les grands armements, ou cherche t-on à  construire la compétitivité de territoires régionaux avec des spécialisations multisectorielles ? Dans ce dernier cas, la question est-elle toujours d’évaluer le « maximum de captures » pour assurer le renouvellement de la ressource et des écosystèmes ou d’apprécier l’apport des différentes flottilles à  la spécialisation régionale, leur cohérence régionale, les moyens de les adapter, les conditions de leur pérennité ? Y aurait-il un objectif « neutre » qui consisterait à  observer de grandes pêcheries par zones géographiques et à  raisonner par « quantités globales » (effort de pêche global, hectares de zones protégées, tonnages débarqués, chiffre d’affaire global ?…) ou faut-il construire de nouveaux indicateurs relativement à  des économies régionales spécifiques ?

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NB : Lors de cette journée, des exposés intéressants ont permis de mieux comprendre le contexte dans lequel s’inscrit la réforme de la PCP : « La PCP est incluse dans une « Politique Maritime Intégrée ‘ et une « Stratégie pour le milieu marin ‘ qui comprend la pêche, le transport, la protection de biodiversité, la condition des marins, la pollution Cela suppose également la mise en place et la participation de l’UE dans les organisations internationales des pêches. Le Traité de Lisbonne introduit un changement dans les processus décisionnels puisque le Parlement est associé au Conseil pour les décisions… »

Ci-après, un compte-rendu de la réunion qui s’inspire en partie du compte-rendu rédigé par le Comité local des pêches du Guilvinec, et qui n’est ni exhaustif, ni officiel.

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Débats sur le thon rouge : quel impact pour la petite pêche ?

 » L’exécutif européen soutient une proposition de Monaco visant à  inscrire le thon rouge, pêché surtout en Méditerranée, sur l’Annexe I de la Convention de l’ONU sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES)…

L’enjeu pour le Japon est énorme: environ 80% des captures de thon rouge en Méditerranée sont exportées vers le Japon, ce qui représentait en 2007 quelque 30.000 tonnes…

Par ailleurs, le gouvernement français milite pour une inscription à  l’Annexe II de la CITES, beaucoup moins restrictive, mais dans le même temps est favorable à  ce que l’Europe envisage un moratoire sur la pêche pendant deux ans… »

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Réforme de la Politique Commune des Pêches : quel choix de développement ?

1°) Ressources marines et zones de pêche acquièrent une « valeur »

Raréfiées, convoitées pour de multiples usages actuels ou à -venir, ressources marines et zones de pêche changent de statut et prennent de la « valeur ‘. Les récifs coralliens et zones littorales sont « évalués », les stocks de ressource marine sont en voie d’être monnayés par le jeu de quotas individuels transmissibles, et d’accords de pêche, les zones marines à  « geler » en aires marines protégées donnent lieu à  des calculs de proportionnalité…

Il y a tout juste 50 ans, ces composantes naturelles étaient dédiées aux communautés de pêcheurs qui en vivaient; elles devinrent ensuite des facteurs de production à  disposition des unités les plus modernes dans une logique productiviste. Maintenant qu’elles inaugurent un statut qui dépasse les communautés de pêcheurs qui ont résisté, et un secteur de production devenu très capitalistique selon les régions ou les ports, se pose la question de la mise en place d’une nouvelle politique des pêches et de l’orientation à  prendre pour nos structures de production, soit encore la question de notre choix de développement.

2°) Quel choix de développement

– Doit-on conserver les segments industriels qui résultent de la dernière période et leur allouer une part de la valeur « ressources et zones de pêche ‘ (par quota individuel transférable, accords de pêche entre pays et autres) ?

– Doit-on privilégier certaines communautés pléthoriques de pêcheurs pour leur poids économique et social qu’elles représentent dans leurs régions, en leur réservant prioritairement des ressources et des zones de pêche déterminées ?

– Doit-on construire des spécialisations multisectorielles régionales au sein d’un marché européen, en examinant la contribution des acteurs de la pêche à  ces spécialisations ?

3°) Un développement « territorialisé ‘ au sein de l’Europe et ses implications

Si la troisième voie paraît la plus avantageuse pour la collectivité sur les plans économiques, sociaux et environnementaux, comment faire évoluer notre structure productive halieutique conformément à  cette dynamique ?

– La première question qui s’impose est d’ apprécier l’espace économique , social, culturel, environnemental et financier dans lequel les communautés de pêcheurs s’insèrent, et ce à  l’échelle de l’Europe : est-ce l’entité régionale administrative, ou un groupement régional ? Quelle est sa spécialisation ? Quelles sont ses relations avec les autres espaces européens ? A première vue, si le littoral méditerranéen est fortement spécialisé dans des fonctions résidentielles et touristiques, le littoral atlantique, que ce soit en Bretagne ou en Galice, affirme une forte vocation halieutique.

– Partout, les pêcheurs doivent devenir des « agents d’exploitation naturelle ‘ conscients de leur empreinte écologique et partenaires des gestions halieutiques et environnementales. D’un côté, les pêcheurs méditerranéens devront montrer comment ils s’insèrent dans la spécialisation de leur littoral . De l’autre, les pêcheurs atlantiques devront construire une structure productive cohérente à  l’échelle de la région, et compatible avec les nouvelles donnes environnementales.

– Ce raisonnement par territoire ou par région implique qu’il n’y ait pas de critères « universels » pour définir, à  l’échelle européenne, a fortiori mondiale, pêche industrielle et pêche artisanale, ou encore pour différencier les « bonnes ‘ des mauvaises techniques, les « bonnes ‘ espèces cibles des espèces à  protéger Chaque région allie territoire terrestre et maritime et affirme sa propre spécialisation, le rôle des agents de la pêche dans cette spécialisation, les conditions de maintien et d’évolution des communautés de pêcheurs et la cohérence sectorielle régionale (infrastructures, réseaux commerciaux, répartition spatiale et temporelle de l’effort de pêche…). Dans chacun des cas, les techniques sont appréciées, certes en fonction de leur impact sur l’environnement, mais également en fonction de tous ces critères.

4°) Les conséquences d’un autre choix

Ne pas entamer une telle démarche risque d’être préjudiciable aux communautés artisanales de pêcheurs mais également à  la collectivité dans son ensemble car ces artisans jouent un rôle important dans la gestion environnementale et ils ont tous les atouts pour s’adapter aux contraintes environnementales, bref d’être « durables ‘ selon le terme consacré.

Avec le Livre vert, la Politique Commune des Pêches semble vouloir prolonger une politique productiviste qui s’avère de plus en plus risquée dans notre environnement, notamment en scindant pêche industrielle et pêche artisanale, c’est-à -dire en réaffirmant un secteur industriel et en lui allouant une part de la ressource par le jeu des quotas individuels transférables et des accords de pêche.

Sur le plan environnemental, économique et social se posent diverses questions : Peut-on poursuivre une politique productiviste avec des pêcheries industrielles ? Qui sont les bénéficiaires ? De grands groupes financiers ? Qui prélève quelle part des ressources et qui monopolise quels espaces ? Avec quel impact sur les chaînes alimentaires et sur les ressources et zones dédiées aux autres acteurs (pêcheurs artisans, pêcheurs de loisirs, conchyliculteurs). Si par exemple l’on affirme une distinction zonale entre le « large ‘ dédié aux pêcheries industrielles et le « littoral ‘ dédié notamment aux pêcheurs artisans, s’agit-il de stocks distincts, ou des mêmes stocks ? Et dans ce dernier cas, comment apprécier leur impact respectif ? Au niveau planctonique, la ressource présente au large dépend étroitement des gestions littorales effectuées notamment par les pêcheurs artisans. Quel retour des pêcheries industrielles sur la gestion artisanale ? N’est-il pas temps de raccorder nos structures de pêche aux terres qui les enfantent et les nourrissent ?

Par contre, dans un raisonnement « régionalisé ‘, il est concevable d’avoir des flottilles de pêche diversifiées avec des unités intensives (voire même industrielles bien que ces dernières soient peu « territorialisées » justement) qui vont assurer la cohérence régionale, par la part des apports sur les marchés, par la rentabilisation des infrastructures Bien entendu, l’impact écologique de ces unités sera évalué et, si nécessaire, amélioré au cours du temps.

5°) L’ouverture d’un grand chantier

– Evidemment c’est un grand chantier qui s’ouvre avec cette nouvelle dynamique territoriale car il s’agit bien de réinterpréter l’espace régional en fonction de sa productivité planctonique, biologique et des moyens de l’améliorer, en fonction aussi de la contribution des pêcheurs à  ce nouvel espace, de leurs rapports avec les autres acteurs, et des moyens de concilier usages et environnement.

– C’est ouvrir un nouveau mode réglementaire . Par exemple, l’on peut accepter localement des techniques jugées « sensibles ‘, comme les filets dérivants ou de petits arts trainants exercés sur les herbiers de posidonie, si l’on peut démontrer que ces usages sont supportables pour l’environnement (herbiers ou mammifères marins) et qu’ils participent fortement à  la cohérence de certaines pêcheries méditerranéennes en termes de marchés (qualité d’apports spécifiques, approvisionnement d’un marché de gros) ou d’effort de pêche (répartition spatiale et temporelle : pêche au large en été, allègement de l’effort de pêche sur les espèces littorales).

– C’est considérer le littoral et le rôle des pêcheurs sous un nouveau jour . Par exemple, mesurer la productivité planctonique et biologique de certaines baies, évaluer la productivité d’une complémentarité multisectorielle (paludier  » conchyliculteur – pêcheur côtier), examiner précisément comment les prud’hommes palavasiens contribuent à  la spécialisation régionale en préservant leurs étangs des projets de comblement et de construction, et en cherchant à  restaurer la circulation d’eau entre les bassins, évaluer l’apport des conchyliculteurs de Port St Louis du Rhône qui en rétablissant l’arrivée d’eau douce dans l’Anse de Carteau ont ramené la vie dans cette zone, ou encore celui de la Prud’homie de St Raphaêl qui a choisi de « geler ‘ une partie de son territoire de pêche, par la création d’un cantonnement interdit à  toute pêche professionnelle et de loisirs, pour préserver une zone de frayère et enrichir la baie A y regarder de près, pas une baie, pas un port où les pêcheurs artisans n’ont joué un rôle évident pour préserver leur territoire de pêche, au bénéfice de la collectivité.

6°) Les formes du renoncement

Ne pas se lancer dans cette démarche, c’est continuer à  arbitrer les lobbies sectoriels au gré des réussites médiatiques et des jeux politiques : interdire globalement les filets dérivants pour sauver Flipper le dauphin, arrêter les petits engins traînants quels qu’ils soient sur les herbiers au risque de condamner des métiers compatibles avec leur environnement, de provoquer le report de la capture sur des espèces et des zones déjà  fragilisées, à  terme de condamner les communautés de pêcheurs artisans dont l’apport dans la spécialisation régionale et dans la gestion littorale et environnementale est important. Plus récemment, c’est accorder un poids à  une proportion de l’espace maritime à  geler en aire marine protégée, indépendamment de tout raisonnement économique et social. C’est encore interdire la capture d’espèces des grands fonds avant même d’avoir évalué les flottilles concernées et leur rôle dans les espaces régionaux. Ce que résume simplement un pêcheur artisan méditerranéen « Espèce après espèce, ils vont nous tordre ‘. L’on pourrait ajouter métier après métier, zone après zone. En somme, celui qui crie le mieux auprès des sondages est entendu. L’on peut espérer une vision plus engageante des citoyens et de leur rôle dans l’Europe de demain

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Pour en savoir plus sur l’évaluation des écosystèmes marins :
The value of the world’s ecosystem services and natural capital

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