Poisson médusophage cherche un nom

Mercredi 20 mai, un grand et drôle de poisson trône sur l’étal d’un pêcheur sanaryen. Inconnu aux bataillons, tant des pêcheurs que des passants qui circulent sur le quai, jour de grand marché…

Le temps de trouver un appareil photo… justement ma cousine passe par là , avec son appareil dans le sac. Voilà … il est immortalisé sous toutes les coutures.

Le pêcheur le découpe, histoire de voir ce qu’il a dans le ventre, un ventre un peu flasque d’ailleurs… eh bien justement ce sont des méduses violettes qui dégoulinent sur la table…

– Vous voulez le goà’ter ? me demande le pêcheur.

– …?…

Une découpe transversale met à  jour deux belles tranches blanches qui rappellent le congre.

– C’est la troisième fois que je le prends ce poisson, depuis que je pêche. On le trouve au large, à  30 milles des côtes. Celui-là , c’était à  la palangre flottante, armée à  la lisette (petit maquereau) pour les espadons. Deux personnes l’ont déjà  goà’té mais je les ai pas revues…

(Eclat de rire général)

– Bon d’accord, on va le goà’ter pour voir.

Une heure plus tard, par la magie d’internet, Patrick Louisy, auteur du « Guide d’identification des poissons marins – Europe et Méditerranée » (Edition Ulmer), notre ouvrage de référence en la matière, identifie la bête comme étant un « centrolophe noir », la même famille que les rouffes…

Nous sommes 4 le soir à  tenter l’expérience. Les enfants sont dispensés (faut bien assurer la relève). Grillées à  la plancha, les tranches dégagent une odeur forte, inhabituelle pour du poisson pêché le jour. A la dégustation, ce qui frappe en premier lieu, c’est l’aspect « mouligasse », pas très engageant. Le goà’t s’avère un peu fade, avec une légère touche de « gras » qui rappellerait la grande castagnole, mais alors elle aurait beaucoup traîné sur les étals. La graisse à  proximité de la peau est râpeuse (comme le requin ?). C’est le chat qui termine les tranches, en se pourléchant, ce qui nous rassure sur l’aspect comestible.

– Bon, pas de quoi en faire un plat ! C’est « mangeable » si nécessaire, mais pas franchement délicieux.

Publié dans Faune | Commentaires fermés sur Poisson médusophage cherche un nom

De quoi rient les pêcheurs ?

«Y en a un qui m’a appelé pour les tortues… Je lui ai répondu :

– « En Méditerranée, y en a plus, on les a toutes pêchées !  » D’ailleurs les carapaces servaient de casques pour l’armée…

– ou de coquetiers pour les oeufs d’autruches… Les autruches, non plus, y en a plus.’

NB : des tortues marines, on n’en a pas souvent vues sur le littoral varois. Mais comme c’est une espèces protégée au titre de Natura 2000, les scientifiques épluchent, technique après technique, les éventuels impacts sur la faune et la flore….

———————————–

«A une rencontre internationale, y avait une environnementaliste de Greenpeace qui nous demandait ce qu’on pêchait, tout en anglais bien-sà’r… Vous voyez le tableau ?!

Le Normand lui dit :

– Oh moi, des quantités de petites coquilles saint-jacques !

– Et vous ?

– Seulement des petits thons (rouges bien-sà’r) au filet…

Elle était dégoutée !

NB : Les pêcheurs artisans de nos contrées gardent une certaine rancoeur contre la campagne médiatique de Greenpeace qui a entraîné l’interdiction généralisée des filets dérivants sur les thons. Du genre : « Je m’fais de la pub, tant-pis pour la dentelle !  »

Dommage pour ceux qui vivent de la dentelle…

—————————–

«Cette semaine, j’ai « Ifremer » à  bord. Soit-disant qu’il connaît toutes les espèces… Il apporte quand même les bouquins. Il dit que le labre vert et le tourdereau, c’est la même espèce… et aussi les rouquiers (petits labres)…

– Celui-là , il est rouge

– C’est qu’il « s’habille » * ou qu’il fraie

– Alors, il s’habille ou fraie toute l’année parce qu’il est rouge toute l’année ! Remarque, dans ce cas, c’est normal qu’il soit rouge, à  force…

Enfin… il en conclue qu’il est mature à  11 cm, ça me va !

NB : Mis en cause par l’Europe, les quelques ganguis traditionnels varois ont dà’, étude et suivi scientifiques à  l’appui, faire la preuve que leur petite drague ne mettait pas en danger les herbiers de posidonie (espèce protégée) et les espèces qui y habitent

* On dit des petits poissons qu’ils « s’habillent, ou mettent le costume » lorsqu’ils changent de forme. Il peut s’agir d’alevins qui se transforment ou de juvéniles qui deviennent matures…

Publié dans Territoire | Commentaires fermés sur De quoi rient les pêcheurs ?

Nous écrire

Vous pouvez nous envoyer un message en cliquant sur ce lien

Publié dans Contact et abonnement | Commentaires fermés sur Nous écrire

Le printemps sous la mer

Sous la mer aussi le printemps est arrivé, les étals des pêcheurs artisans débordent enfin de poissons, après un long hiver. Aujourd’hui c’était les sérioles qui dominaient les tables des pêcheurs sanaryens bien que ces derniers les appellent « liches ». De belles tailles, colorées et délicieuses, à  condition de surveiller la cuisson…


– Ah bon ? Il y a des sérioles à  Sanary ? Je vais y aller, à  Carqueiranne, je n’en trouve pas…

– Elles fraient en ce moment aux îles, sur les épaves. Ce sont les senneurs qui en prennent au large…

Publié dans Faune | Commentaires fermés sur Le printemps sous la mer

Palavas : La justice légitime l’action associative de veille environnementale dans laquelle sont impliqués les anciens Prud’hommes

Les anciens prud’hommes de Palavas ont de quoi se réjouir, ainsi que les autres administrateurs d’associations de protection de l’environnement, accusés à  titre individuel « d’abus d’ester en justice » par la Commune de Palavas. Pas moins de treize ans de procédures pour avoir voulu protéger leurs étangs… La Cour de Cassation vient de débouter la Commune. L’action associative retrouve son bon droit, et la défense de l’environnement, sa justice.

Communiqué de presse des 2 associations concernées

Publié dans Territoire | Commentaires fermés sur Palavas : La justice légitime l’action associative de veille environnementale dans laquelle sont impliqués les anciens Prud’hommes

L’Union européenne veut protéger ses 80 espèces de requins

Les Etats membres de l’Union européenne sont convenus vendredi d’améliorer la protection des 80 espèces de requins présentes dans les eaux européennes dont beaucoup font l’objet d’une pêche excessive

Les 27 ministres de la Pêche ont apporté leur soutien à  une interdiction de la pêche de requins dans l’unique but de couper leur aileron qui est un met gastronomique très apprécié en Chine et dans toute l’Asie. L’UE veut également créer des réserves pour les requins où la pêche serait strictement interdite.

Les requins sont particulièrement menacés et vulnérables à  la surpêche à  cause de leur longue durée de vie et leur faible taux de fécondité.

Jusqu’à  un tiers des 80 espèces européennes de requins sont menacées par la surpêche, selon une étude de l’Union internationale pour la conservation de la nature.

Des dizaines de millions de requins sont tués chaque année dans le monde. AP

Publié dans Faune | Commentaires fermés sur L’Union européenne veut protéger ses 80 espèces de requins

A propos des articles : « L’étal de la France » et « Quels poissons manger pour une pêche durable ? » d’Aquablog…

Sur une production mondiale de 140 millions de tonnes, les français consomment près de 2,2 millions de tonnes de produits aquatiques chaque année (soit environ 35 kg par personne et par an), plus 0,8 millions de tonnes de poissons (anchois du Pérou, chinchard du Chili, sprat et lançon de Norvège…) qui servent à  nourrir les espèces aquacoles que nous consommons : saumons, crevettes…

Avec une production nationale de 800.000 tonnes, nous importons 2,1 millions de tonnes et exportons 0,7 millions, ce qui représente un déficit commercial de 2,5 milliards d’euros…

Notre « culture culinaire » s’appauvrit avec seulement 10 espèces, pour la plupart importées, qui couvrent 2/3 de nos besoins :

– Huître : France
– Moule : France, Hollande, Espagne, Chili
– Thon : Armements industriels français dans l’Océan indien et au large de l’Afrique de l’Ouest
– Saumon : Norvège, Royaume-Uni, Chili, USA
– Colin d’Alaska : Océan Pacifique Nord
– Autres poissons blancs (cabillaud, merlu) : France, Norvège, Islande, Afrique du Sud
– Crevette : Equateur, Inde, Madagascar, Brésil, Indonésie
– et pour les farines et huiles de poissons : anchois du Pérou, chinchard du Chili, sprat et lançon de Norvège, Danemark

 » La place déterminante du saumon d’élevage dans le choix des consommateurs a des incidences sur la ressource halieutique, de même que la consommation des crevettes d’élevage et de toutes autres espèces aquacoles dont les besoins en farine et en huile de poisson sont importants. La contribution de la France à  l’épuisement de la ressource halieutique devrait tenir compte de cette consommation indirecte de farine de poisson qui dans une première estimation se situe à  plus de 200 000 tonnes chaque année soit plus de 0,8 million de tonnes de poissons sauvages  »

Philippe FAVRELIERE

Publié dans Analyses | Commentaires fermés sur A propos des articles : « L’étal de la France » et « Quels poissons manger pour une pêche durable ? » d’Aquablog…

Un vent de fronde souffle sur la pêche côtière

Depuis quelques semaines, la pêche côtière française manifeste son inquiétude face à  l’avenir. Blocage de ports, occupation de locaux, dépôts de licences, La pêche artisanale pose des questions concernant notamment la gestion des pêcheries (quotas de pêche) et la commercialisation des produits (vente directe).

La pêche côtière est l’activité la plus importante dans de nombreuses régions européennes et tout particulièrement en France. Alors que la grande pêche ou bientôt la pêche hauturière fait ou va faire partie de la mémoire maritime, l’unique activité à  résister à  l’épreuve du temps et des économies d’énergie est bien la pêche côtière pratiquée sur le plateau continental. Pourtant, c’est encore la pêche au large qui contre vents et marées incarne toujours les activités halieutiques et qui reste aux commandes du secteur. Dans de nombreux ports, les embarcations de grande taille ont disparu de la flottille. « Concarneau voit partir ses hauturiers : ici le Kerleven ‘ : la légende d’une photo de Béatrice Le Grand dans un article de Ouest-France : « Encore 225 navires à  la casse ‘.

En France, plus de 80% des embarcations de pêche ont une longueur inférieure à  12 mètres. A l’exception de la Belgique et de la Hollande, la petite pêche domine dans l’ensemble européen ainsi qu’en Norvège, la plus grande puissance halieutique du continent. Pourtant, l’image véhiculée sur la pêche est une activité pratiquée par de « gros » bateaux. Or, ceux-ci ne représentent qu’une part infime des flottilles nationales pour des activités souvent très ciblées comme la pêche au thon pour les senneurs, la pêche dans les grands fonds pour les chalutiers, la pêche des poissons blancs et petits pélagiques pour la transformation (filet congelé, surimi, farine,).

Les pêcheurs artisans côtiers ne se reconnaissent pas dans ces activités de type industriel. Les métiers de la petite pêche sont généralement polyvalents et ils ciblent différentes espèces en fonction de la saison. Ils commercialisent uniquement des produits pour la vente en frais, des produits de qualité à  forte valeur marchande.

Le Royaume-Uni a fait un choix. En décembre 2008, le gouvernement britannique a débloqué 5 millions de livres £ pour favoriser le départ des petits pêcheurs en vue de protéger le « gagne-pain ‘ des autres pêcheurs ! La fédération des organisations de pêcheurs anglais (NFFO) accuse le manque de « fair play » du Ministère à  l’égard du secteur de la petite pêche. Certains parlent d’une politique de pêche « expéditive », et beaucoup pensent que les mesures prises vont aboutir à  l’affaiblissement de la pêche artisanale, et même à  sa disparition dans certains ports. Au profit de quel secteur ?

Philippe FAVRELIERE

Publié dans Analyses | Commentaires fermés sur Un vent de fronde souffle sur la pêche côtière

Les coraux de Tahiti menacés par une étoile de mer

La taramea a la forme d’un disque rouge gros comme le poing surmonté d’épines. En un an, elle peut dévorer entre 5 et 10 m2 de coraux, qui mettront des années à  se reconstituer. La prolifération des «tarameas’ s’ajoute aux autres périls, comme le réchauffement climatique ou la pollution, qui s’attaquent aux récifs coralliens…

Précautionneusement (la bête est venimeuse), le plongeur enfonce l’aiguille en plein disque et y injecte quelques millilitres de bisulfate de sodium. L’opération est répétée en trois autres endroits. Deux heures plus tard, la mangeuse de corail aura rendu l’âme.

«Depuis trois ans, il y a une explosion de tarameas en Polynésie française, explique élodie Lagouy, consultante en biologie et coordinatrice de l’association Reef Check en Polynésie. Ce sont des habitants habituels des récifs, mais à  trop forte concentration, elles représentent une grave menace.’ En un an, chacun de ces échinodermes peut dévorer entre 5 et 10 m2 de coraux qui mettront des années à  se reconstituer. Dans les années 1960, au nord de la grande barrière de corail d’Australie, 80 % du récif avait été ainsi détruit.

Selon élodie Lagouy, l’explosion actuelle des tarameas en Polynésie française pourrait être due à  la surpêche de ses prédateurs (les mollusques de type triton et certains poissons). Pour limiter les dégâts, elle sensibilise la population et organise des opérations de ramassage. En outre, 17 clubs de plongée ont été équipés de kits d’injection létale afin d’éliminer les tarameas vivant plus en profondeur. Le programme est financé en partie par la fondation Rip Curl Planet et le WWF. Environ 3 500 individus ont déjà  été éliminés, estime élodie Lagouy…

Réchauffement des océans, catastrophes naturelles (cyclones, tsunamis) et, bien sà’r, facteurs locaux (aménagement incontrôlé du littoral, déversement d’eaux usées, surpêche, etc.) : de multiples causes peuvent mettre en péril le fragile équilibre des récifs coralliens.

Dans le monde, 54 % d’entre eux sont menacés, selon le dernier bilan de l’Initiative internationale pour les récifs coralliens (Icri). Surtout, 15 % de ces précieux écosystèmes pourraient disparaître dans les dix ou vingt prochaines années, notamment dans les Caraïbes et en Asie du Sud-Est.

Publié dans Biodiversité | Commentaires fermés sur Les coraux de Tahiti menacés par une étoile de mer

Daniel Pauly ne laisse rien filet

Spécialiste des ressources marines, ce scientifique français de 62 ans annonce un désastre lié à  la surpêche, alors que la saison de pêche au thon rouge débute demain, notamment en Méditerranée.

Méfiez-vous de ce type : il fiche la pétoche.

Spécialiste mondial des ressources marines, Daniel Pauly prétend que, au rythme où il pille les mers, l’animal humain se retrouvera bientôt à  bouffer lui-même son appât, ou à  grimacer devant une salade de concombres de mer et des méduses à  la plancha.

Il exagère, mais ce poisson de mauvais augure a une mission : prévenir la planète des pêcheurs qu’ils vont à  leur perte. Et nous avec.

« Nous sommes dans la situation du bonhomme tombé du treizième étage et qui, arrivé au septième, dit : “Jusque là , tout va bien” ‘, raconte-t-il, le 20 mars, lors d’une conférence à  Marseille, à  l’invitation de l’IRD (Institut de Recherche pour le Développement).

Dès 2002, la revue Science le gratifiait du titre de « scientifique spécialiste de pêche le plus prolifique et le plus cité ‘ dans des publications (plus de 500).

Pourtant, le scientifique français, basé à  Vancouver (Canada), reste une sorte d’outsider, selon Science, peut-être parce qu’il s’est attaché à  travailler dans des pays tropicaux et pauvres, privés de ressources scientifiques.

Certains le surnomment « le Prophète Daniel ‘, le traitent d’« hérétique ‘ et raillent son catastrophisme.

Car il n’annonce que des horreurs. Mais collectionne les honneurs.

« Un iconoclaste qui cherche du poisson et trouve un désastre ‘, titrait à  son propos le New York Times, en 2003.

Il est en guerre contre la surcapacité d’une activité bâtie sur des subventions (34 milliards de dollars par an, selon lui, soit 26 milliards d’euros) qui «permettent de ne pas écouter les ressources qui disent “je suis épuisé, laissez-moi” ‘.

Pauly milite contre la surpêche et pour l’extension d’aires marines protégées. Il ne croit pas que les décisions individuelles, style « je ne mange plus de poisson’, importent. « C’est illusoire ‘ : seuls les gouvernements peuvent changer les choses.

Ce grand gaillard qui porte beau à  62 ans a un atout : c’est un bavard, plus proche de la pie que du mérou.

Lui-même a frayé dans de drôles d’eaux. Dans sa Lorraine natale, sa mère, ouvrière, a fêté l’euphorie de la Libération avec un soldat noir américain. Daniel naît de cette union éphémère à  Paris.

A deux ans, il est confié à  une famille suisse et atterrit à  La Chaux-de-Fond (Jura). « Ils m’ont fait travailler comme domestique. ‘ Il perd de vue sa mère, sa nouvelle famille coupe les liens. En route pour une enfance triste « à  la Dickens ‘.

A seize ans, il déguerpit en Allemagne en « mission ‘ pour l’église protestante : six mois dans un asile pour enfants retardés. « J’y ai perdu le peu de foi que j’avais. ‘

A Wuppertal, il s’inscrit aux cours du soir pour le bac. Mais l’armée française le rattrape. Déclaré insoumis, il revient en France, où l’armée le réforme. «Heureusement. J’aurais été laminé, détruit. Je saluais de la main gauche. Je répondais aux officiers. Pas insolent : innocent, paumé. ‘

Au moins, l’armée lui permet de retrouver l’adresse de sa mère, à  Paris. Elle avait eu, depuis, sept enfants. Ils l’attendaient avec des cadeaux accumulés au fil des ans. « J’étais là , virtuellement. ‘

Il repart en Allemagne, obtient son bac, à  23 ans. S’envole pour les Etats-Unis, où il rencontre son géniteur, retraité de l’armée, à  Little Rock, Arkansas.

« Il avait mal vécu le racisme américain. Il aurait voulu être pilote. Mais un Noir, en Arkansas, ne devenait pas pilote. Alors, il construisait des modèles réduits. Puis il a obtenu sa licence. J’ai volé avec lui. Mais il buvait. ‘

En 1969, Daniel tombe au bon moment aux Etats-Unis.

« à‡a explosait partout. Des Blacks Panthers dans la rue. Woodstock. J’étais avec un ami allemand. On nous prenait pour des homosexuels. Un Blanc avec un Noir: ça ne pouvait être que ça. ‘

Revenu en Allemagne « radicalisé ‘, il se lance dans une « expérience estudiantine gauchisante ‘ dont il ne veut pas parler. Mais qui l’a marqué, comme son voyage en Mai 68 à  Paris, pour voir « les événements ‘.

« On a pris une auto-stoppeuse. Elle était à  Sciences Po. Elle nous dit : “On met Mendès-France au gouvernement.” Et nous : “Quoi ? Vous faites la révolution pour ça ?!?” ‘ Il tire, de ces quelques jours parisiens, une leçon : « Je n’ai jamais apprécié le côté “étudiant farfelu” de la politique de gauche. J’ai toujours été orienté vers la classe ouvrière. ‘

Après sa maîtrise en biologie marine, il part au Ghana car ce métis est sà’r de ne pas être européen. Il constate là -bas qu’il l’est.

Puis se met au swahili, ravi que l’Allemagne l’envoie en coopération en Tanzanie. Mais, changement d’aiguillage inattendu, il part en Indonésie, puis aux Philippines, pour faire de la recherche sur les poissons tropicaux.

Il développe une méthode simple d’évaluation des stocks, et crée une base de données, « un succès planétaire ‘ : plus de 30 000 espèces répertoriées désormais, un million de visiteurs uniques par mois sur cette encyclopédie en ligne (www.fishbase.org).

En 1994, devenu prof à  Vancouver, à  l’Université de la Colombie britannique, il réalise que les scientifiques comptent pour du vent. « Ils sont un prétexte, une parodie. ‘

Les politiques sont soumis à  l’industrie de la pêche. « C’est facile de dire que les scientifiques sont des cons parce qu’ils ne vont pas pêcher. ‘

Paradoxe : les Etats les payent puis ignorent leurs avis. « C’est comme si les politiques avaient le choix entre des médecins et des sorciers, et choisissaient les sorciers. ‘

Pourtant, le système est censé protéger la durabilité. « Faux. La pêche ne travaille pas dans la durabilité, mais dans l’extermination locale. Ensuite, elle va plus loin, plus profond, s’attaque à  d’autres espèces, augmente la puissance de ses bateaux, reçoit plus de subventions. ‘

Face à  cela, il faut « faire du raffut ‘. Jeter des pavés dans la mer. Le Pew Charitable Trust américain lui donne un million d’euros par an pour ses recherches, qui offrent une vision globale de l’impact de l’homme sur le milieu marin.

« Avant, les ONG n’avaient que des miettes. Je leur donne la tarte entière. ‘

En 2001, Pauly démontre que les prises mondiales baissent, alors que les chiffres officiels affirment le contraire.

« La crise de la pêche, ce n’est pas des cas isolés, mais un cas généralisé. Comme la crise financière actuelle : ce n’est pas telle banque qui a fait ceci, mais un système global pourri à  la base. ‘

Directeur du Centre de recherche halieutique méditerranéenne et tropicale de Sète, Philippe Cury (1) l’a reçu pendant trois mois, en ce début d’année, histoire de lui apporter un peu de lumière dans son pays, qui ne le connaît guère.

Il explique : « Daniel Pauly a horreur de l’ordre établi et des gens qui pontifient. Il montre que les problèmes environnementaux du Nord et du Sud sont les mêmes, donc qu’il faut les traiter mondialement. Et il déplore que les pêches soient gérées comme un produit agricole qu’on pourrait maîtriser. En fait, on ne maîtrise rien. ‘

Pauly vit toujours à  Vancouver. Son fils, Ilya, 31 ans, « essaye de produire de la musique à  Montréal ‘. Sa fille, Angela, 26 ans, travaille dans les relations publiques pour des ONG, à  Washington. Sa femme américaine, Sandra, est enseignante. Et lui est déjà  reparti vers l’Allemagne, écrire un livre, avec toujours le même objectif : faire bouger les gouvernements.

MICHEL HENRY

(1) Auteur de Une mer sans poissons, avec Yves Miserey (Calmann-Lévy).

DANIEL PAULY EN NEUF DATES
1946. Naissance à  Paris.
1969. Obtient l’Abitur (bac) en Allemagne.
1974. Maîtrise à  Kiel (Allemagne).
1975. Travaille en Indonésie.
1979. Doctorat en biologie marine. Travaille à  l’ICLARM à  Manille (Philippines).
1994. Rejoint le Centre des pêches à  Vancouver (Canada), dont il sera le directeur, de 2003 à  2008.
1999. Lance un nouveau projet : www.seaaroundus.org
2005. Reçoit le prix Cosmos, sorte de Nobel de l’écologie.
2009. Passe trois mois en France.

Publié dans Analyses | Commentaires fermés sur Daniel Pauly ne laisse rien filet