Les moules

Nous avons 3 recettes qui plaisent bien : la traditionnelle avec crème fraîche et safran, la sauce roquefort – celle-là  beaucoup l’adore mais ça me fait manger beaucoup de pain – la provençale avec une sauce bolognaise un peu relevée.

Traditionnelle : vous faites ouvrir vos moules dans une marmite, vous laissez l’eau, vous ajoutez du vin blanc, un peu de biscotte pour épaissir, un peu de crème fraîche et du safran  » alors là  vous mettez du safran ! – et un peu d’herbes de Provence. C’est celle-là  qu’ici vous la faites bien devenir jaune. Le problème c’est qu’elle vous tache les doigts et la serviette !

Sauce Roquefort : vous faites revenir de l’oignon, quand il commence un peu à  disparaître, vous faites revenir votre roquefort d’abord, vous le faites fondre, vous mettez la crème fraîche et si vous voulez, vous la laissez blanche, sinon vous rajoutez une pointe de safran, ça fait une sauce colorée. Moi, je la laisse blanche. Vous versez la sauce sur les moules que vous avez fait ouvrir et auxquelles vous avez retiré une coquille.

La Provençale : vous faites revenir de l’oignon, vous faites ouvrir vos moules, vous videz l’eau car elle est très salée, vous ajoutez de la sauce bolognaise avec beaucoup d’herbes de Provence et un peu de piment. Vous pouvez encore prendre votre poêle, vous mettez les moules avec une seule coquille, vous versez la sauce bolognaise par-dessus et vous faites un peu réchauffer

Après bien-sà’r, vous avez les recettes plus classiques :

Au barbecue : On fait griller les moules au barbecue en rajoutant de l’huile d’olive et du poivre. Avec de l’huile et du gruyère, on appelle ça la « moule perlière ‘.

La brasoucade : une des façons les meilleurs ! Nous, on a des poêles exprès pour 100 personnes. J’ai pris une grande poêle, j’ai fait 2 trous de chaque côté et j’ai mis 2 vannes. Vous mettez un couvercle dessus, quand la vapeur sort c’est que les moules sont cuites ! Même dans une cocotte minute, il faut attendre que la vapeur sorte, alors les moules sont cuites. Dès que je vois ça, j’enlève le couvercle, j’ouvre les vannes et je fais couler. J’ai un bidon : huile d’olive, herbes de Provence et poivre. Je mélange avec des cuillères en bois, ils se mangent les doigts !

– Je la connaissais sur un lit d’épines de pin

– Oui ! mais les épines de pins maintenant c’est périmé ! Vous croyez qu’ils vont ramasser les épines de pins ?

Recettes d’Albert Castejon

Conchyliculteur et Prud’homme pêcheur de Port Saint-Louis du Rhône – Prud’homie de Martigues

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Grâce aux pêcheurs, l’eau douce et la vie reviennent dans l’Anse de Carteau


A propos de l’élevage des moules dans l’Anse de Carteau : « On a eu les années folles, de 1982 jusqu’en 95. En 95, ça a chuté, on mettait des cordes en chaussettes de 30 kg, on récupérait des cordes de 15 kg. Au lieu de récupérer 3 fois comme avant, on récupérait la moitié et la moitié de mortes. On a fait venir les services vétérinaires, l’Ifremer, les scientifiques ils nous ont dit : « Elles ont un stress, y en a qui n’ont plus à  manger et elles meurent ‘. Le taux de salinité était monté de 28 à  38. Ils nous ont dit : « A 40, la moule à  Carteau y en a plus ‘. .Au plus il monte, au plus les eaux deviennent claires, et au plus les eaux sont claires, au plus elles sont pauvres. On était tombé à  1800 t, c’est là  qu’on a tiré la sonnette d’alarme, aujourd’hui une table fait facilement 30 t, au lieu de 6 à  7 t, en faisant le même travail.


Les arbres sont tombés, ils ont bouché toutes les roubines faites par les anciens qui alimentaient Carteau en eau douce. Pour arriver à  récupérer volontairement toutes les buses qui avaient été bouchées par les maisons et par les sentiers, j’ai fait mettre des vannes. J’ai fait faire des canaux pour aller jusqu’au Rhône (à  peu près 20 km), c’est ce qui a coà’té cher. Toute la terre enlevée, je l’ai fait mettre ici pour qu’ils puissent nettoyer. Tout ce que vous voyez ici, des roseaux, ça vient de pousser. Regardez le courant qu’il y a ! L’arbre ici je l’ai pas fait enlever. On voulait tout faire pour pas que les travaux se voient. C’est nous la pêche qu’on a mis ça pour continuer à  vivre. C’était pas à  nous pêcheurs de payer ces travaux. Quand sur la route un arbre est tombé, c’est l’usager qui paie ?

C’est le Conservatoire du Littoral qui en bénéficie le premier. On a tellement fait un beau travail que ça a alimenté tout ce qui était sec ; depuis ils font le festival de l’oiseau, ils ont fait mettre des passerelles pour que les gens visitent, la chasse, y avait plus un canard car y avait plus d’eau… Donc on a fait renaître la vie. Et au départ, c’est nous qui avons fait tous ces emprunts pour un coà’t de 450.000€ subventionné à  80%, nous avons été les maîtres d’œuvre

A la coopérative, je fais des économies, j’ai un fond de roulement, ça nous permet d’emprunter pour ces aménagements, ou pour restaurer nos tables. Et si un jour un bateau arrive avec une catastrophe, si un pétrolier se casse, on a le temps de voir venir quand même. Il faut toujours laisser le temps au temps

Albert Castejon Président de la Coopérative Coopaport

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L’élevage des moules dans l’anse de Carteau à  Port Saint-Louis du Rhône

« J’attaque par les tables meilleures, celles où les moules poussent plus vite ; il faut vite les vider pour les remplir à  nouveau. Cela dépend du phytoplancton et donc de l’exposition. Regardez, l’ouverture est à  l’est, c’est l’entrée, donc toutes les tables à  l’est sont les meilleures. Les moules de terre poussent moins vite mais les clients les aiment parce qu’elles n’ont jamais de parasite. C’est le « spaghetti ‘ la ménagère elle aime pas ; ça c’est la « dent de chien ‘, la ménagère n’aime pas non plus, il faut nettoyer. A l’Etang de Thau, ils appellent ça la « moule cascaillée ‘. Elle se vend bien en Espagne où on l’appelle moule des roches ! Les moules de terre partent en dernier mais, en juillet-aoà’t, c’est celles qui grossissent le plus vite, ça dépend des courants saisonniers et du phytoplancton.

Avant, ce qu’il y avait de bon c’est que vous sortiez un bateau, vous vendiez 500 kg, et vous essayiez de travailler comme cela tout au long de l’année. En travaillant 200 jours, vous faisiez vos 200 t et vous étiez tranquille. Aujourd’hui c’est plus comme ça, la saison s’est resserrée. On nous commande en 3 mois d’été ce que l’on faisait en 8 mois. Mais on a des matelots quand même, ça se respecte un matelot, le week-end il travaille pas, nous on peut pas s’arrêter
Nous, y a que la moule qui nous intéresse et c’est comme ça que nous sommes devenus les premiers producteurs de la moule méditerranéenne française. Les huîtres, ça nous intéresse pas. Le premier qui fait rentrer des huîtres, ou des moules d’ailleurs, on le met à  la porte. Les algues japonaises, elles vous arrêtent le bateau

Les conserveurs, ils regardent pas le produit, de suite ils commencent à  la moitié du prix : « Nous la moule d’Italie on l’a à  0,60, on la veut à  0,60 ‘. A ce prix-là , en commençant le travail tous les matins, c’est nous qui sortons les billets de la poche ! Alors on leur fait le bouche-trou quand ils arrivent pas à  en avoir, on leur en donne à  1 euro.


Quand je vois qu’il y en a qui sont mangées par le poisson – parce qu’il arrive un moment que les dorades nous mangent – je lui dis à  mon matelot, donc il enlève la corde, je laisse pas
une corde libre

On a eu des jeunes qui se sont installés. Quand c’est des fils, c’est plus facile à  gérer, c’est malheureux de parler comme ça Vous avez un jeune, il vient, il prend l’affaire, il a 3000 € par mois de crédit, c’est un minimum. Au début il vend pas parce qu’il y a pas de vente et il pleure, et quand ça attaque, tout le monde pleure parce qu’on travaille trop. à‡a quand vous l’expliquez à  un jeune, il veut pas le comprendre : « Moi je prends pas de risques ‘. Il va négocier les mêmes clients qu’on a nous et au lieu de vendre au minimum – 0,76 € en poubelles – il les vend à  0,60, il est mort. Comme y a une liste d’attente comme ça, je lui fais la morale, mais on s’est jamais trompé.

Au début quand ils s’installent je les garde pendant 2 ou 3 h, je leur explique tout, même la cigale et la fourmi, en parlant bien c’est ça le plus important :

– Tu vas vendre d’un coup 100 t, tu vas avoir de l’argent qui va rentrer mais quand tu vas faire les frais : les rôles, le matériel avec l’essence, les frais de la coopérative, du syndic De janvier à  juin, il te rentre pas un centime, il te faut payer ton crédit, après il faut que tu manges
– Qu’est-ce que j’ai gagné à  la fin du compte ? Je fais des crédits comme ça et je me fais 1.500 à  2000 € dans le mois ?
– C’est pas beau ? mais c’est pas beau ? Après je m’énerve : mais espèce de couillon, au bout de 7 ans, tu as payé tout et si tu t’en vas, tu récupères 100 bâtons, montre-moi une boîte que tu gagnes 1 million, 1,5 millions et qu’au bout de 7 ans, tu t’en vas avec 100 ou 150 millions dans la poche ! Montre-moi le ! Il comprend pas que ce qu’il paye, il le place.

A Carteau, l’élevage de moule a commencé dans les années 77 à  titre expérimental. Comme c’était dans le périmètre du Port Autonome de Marseille-Fos, celui-ci a dit : « On veut bien si vous vous mettez en groupement ou en coopérative ‘. On a donc monté la coopérative et on a eu 50 personnes. Beaucoup ont du arrêter pour des questions de santé. En 95, des gens sont partis et c’est nous qui avons racheté leurs parts. On a diminué le nombre de patrons mais on a augmenté le nombre de matelots, avant il y avait 49 conchyliculteurs et 49 emplois, aujourd’hui il y a 39 conchyliculteurs et 120 emplois. Avant on vendait 500 kg par jour. Maintenant, équipés comme on l’est, 500 kg c’est de la rigolade ! Quand on a commencé, on les passait à  la main  »

Albert Castejon, conchyliculteur à  Carteau, Prud’homme de Port Saint-Louis du Rhône (Prud’homie de Martigues),
Président de la Coopérative Coopaport

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L’encre de mer n° 18-19

Dans ce numéro :

Sommaire :

La pêche en étang à  Gruissan : un sens collectif pour une pêche écologique

En route vers Bang Taboon, Province de Phetchaburi (Thaïlande)

Pour une pêche artisanale durable – Conférence FAO du 13 au 17 octobre 2008 à  Bangkok

– L’onde savoureuse : bourride d’anguilles, crevettes grises et roses

– Supplément :

* Aucun lien institutionnel entre les Prud’homies qui gèrent sur le terrain et les organisations professionnelles chargées de la gestion aux niveaux régional, national et européen

* Déclaration de l’atelier préparatoire de la société civile adoptée par l’ensemble des organisations présentes à  la conférence de la FAO tenue à  Bangkok (Thaïlande) du 11 au 13 octobre 2008

* Nos outils de gestion sont les reflets de notre vision du monde et des échanges

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L’encre de mer n° 16-17

Dans ce numéro :

Sommaire :

L’élevage des moules dans l’Anse de Carteau à  Port-Saint-Louis du Rhà¶ne

Grâce aux pêcheurs, l’eau douce et la vie reviennent dans l’Anse de Carteau

– L’océan est un, la planète est une, chaque poisson compte…

Pêcheurs et scientifiques : l’observation des migrations de poissons

La chasse sous-marine

– « J’aime les éventaires étincelants d’écailles et dégoulinant d’eau de mer ». Extrait de Claire Fourier

– Port du Niel : une classe du lycée hôtelier de Toulon découvre les produits de la pêche locale et la démarche Slow Food

L’onde savoureuse : recettes de moules

– Supplément :

* Avec 3 fois plus de tonnage transporté par voir maritime qu’en 1970, l’impact environnemental des navires devient préoccupant

* Les détails de la chasse sous l’eau

* Artisanat-industrie : une segmentation conceptuelle

* Recettes de moules

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First records of Didogobius splechtnai along the French Mediterranean coast and additional comments about D. schlieweni

This paper reports new records of Didogobius splechtnai Ahnelt et Patzner, 1995 along the French Mediterranean coast. Additional comments on older underwater observations of D. schlieweni Miller, 1993 are also provided. The status of rarity of these two species is discussed. D. splechtnai is probably regularly distributed in the north-western and eastern Mediterranean where suitable habitats are available but both species are considered as rare (D. splechtnai) to very rare (D. schlieweni).

University of Nice-Sophia Antipolis, France – 2008

Article

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The Cap Roux MPA (Saint-Raphaêl, French Mediterranean): changes in fish assemblages within four years of protection

In recent decades, marine reserves have been established to protect ecosystem structure and biological diversity, or as management tools to combat the overexploitation of fish stocks. The Cap Roux Marine Protected Area (MPA) was established by professional fishers in December 2003, in the French Mediterranean between Cannes and Saint-Raphaêl. It was implemented to enhance target fish stocks for local fisheries. The objective of this 3-year study was to investigate the initial responses of fish assemblages, using complementary methods: experimental net fishing performed by a professional fisher and underwater visual census. Within 3 years, this study detected early changes in the fish assemblages. The methods also detected an increase in abundance and diversity of fish, but also a decrease of seasonal fluctuations of the assemblage structure, which was characterized by winter values close to summer values in the protected zone but not outside of the MPA. These results helped clarify the dynamic by which fish assemblages respond to fishing prohibition in a newly created protected area.

C. Seytre and P. Francour: EA 4228 ECOMERS, Universite´ de Nice-Sophia Antipolis.

Article paru en juin 2008

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Amazonie: le Brésil s’engage à  réduire la déforestation de 70% d’ici à  2018

Le gouvernement brésilien a annoncé lundi un plan national sur les changements climatiques dans lequel il se fixe comme objectif, pour la première fois, de réduire de 70% la déforestation d’ici à  2018.
Le Brésil est considéré comme le quatrième principal émetteur de gaz à  effet de serre et la déforestation représente 75% de ces émissions.
C’est la première fois que les autorités du Brésil, qui possède la plus grande forêt tropicale du monde, surnommée le « poumon de la planète », acceptent de se fixer des objectifs précis de réduction des déboisements.
« Avec la seule réduction de la déforestation en Amazonie, le plan prévoit que
4,8 milliards de tonnes de C02 en moins seront émises d’ici à  2018 (dans
l’atmosphère), ce qui est supérieur aux efforts annoncés par tous les pays
riches »…
Le Brésil a l’intention par le biais de ce plan d' »augmenter le nombre de contribuables au Fonds pour l’Amazonie » créé par Lula en aoà’t dernier et destiné à  recevoir des dons du monde entier pour lutter
contre la déforestation. En septembre dernier, la Norvège a fait don d’un milliard de dollars à  ce fonds…
Si la déforestation se maintient au rythme actuel, « à  partir
de 2040 la végétation amazonienne pourrait devenir une sorte de savane qui n’arrivera plus à  absorber le C02 mais en sera un émetteur ».
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« Pour une pêche artisanale durable ‘

La pêche artisanale : un poids considérable : 10% des protéines au niveau mondial, 25 millions de personnes employées dans la pêche et 70 millions dans des activités connexes, sans compter les millions de pêcheurs hors statistiques. 90% des emplois dans la pêche, des moyens de subsistance notamment pour les plus pauvres

Un contexte de faillite économique, sociale environnementale : la pêche artisanale subit les effets de la crise financière, du renchérissement du pétrole, des tsunamis, des tempêtes et des changements des écosystèmes

Une déclaration commune : Les 106 représentants de pêcheurs artisans de 37 pays réunis dans un atelier préparatoire rédigent une déclaration qui sera adoptée par les participants à  la conférence pour faire reconnaître et sécuriser les conditions d’accès aux ressources, la valorisation des produits, et les droits de l’homme.

Un consensus pour l’avenir : les 2 Forums mondiaux des pêcheurs artisans, les ONG (organisations non gouvernementales) présentes et les participants demandent à  ce que la pêche artisanale devienne un thème permanent du Comité des pêches de la FAO([Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (Food and Agriculture Organisation of the United Nations))] (le COFI).

Le fruit d’une convergence extraordinaire : Ce qui s’est passé à  Bangkok est l’expérience et le résultat de vingt-cinq années de militantisme. En 1984, quelques organisations de pêcheurs dans le monde, notamment en Inde et en Asie du Sud-est où les problèmes étaient particulièrement aigus, décidèrent d’une réunion parallèle à  la Conférence de la FAO, ciblée alors sur la pêche industrielle. De là  naquit ICSF(International Collective Support of Fisheries – Collectif d’appui aux travailleurs de la pêche) , une ONG internationale, et de nombreuses réunions furent organisées à  travers le monde sur la petite pêche et l’avenir des communautés de pêcheurs. En 1997, à  New Delhi, un rassemblement mondial des représentants des pêcheurs artisans décida d’une organisation globale. La France, grâce à  l’implication du Collectif Pêche et Développement, accueillit l’assemblée constitutive du Forum mondial des pêcheurs artisans en octobre 2000 à  Loctudy, en Bretagne. Après huit jours de débats intenses, l’accord mondial tant attendu ne put se faire et deux Forums émergèrent de la discorde : le WFFP et le WFF([ Forum mondial des populations de pêcheurs et Forum mondial des travailleurs de la pêche)]. Tandis qu’une partie des initiateurs de ce mouvement s’évertuaient à  constituer des regroupements de pêcheurs, d’autres se sont investis dans les ONGs et d’autres dans des organisations inter-gouvernementales, dont la FAO. C’est le côté extraordinaire de cette convergence qui explique ce qui s’est passé à  Bangkok. Les responsables du futur devront garder en mémoire cette nécessité de s’organiser à  tous les niveaux (communautés de pêcheurs, ONGs, organisations gouvernementales et intergouvernementales). Il faut une certaine constance dans l’effort, même lorsque tout paraît compromis

« La pêche artisanale, une majorité qui ne peut être ignorée par les politiques et l’administration. Il faut des lois pour protéger la petite pêche par rapport à  la grande pêche et protéger la ressource, il faut une volonté politique Aux Caraïbes, plus de 182.000 personnes sont directement ou indirectement concernées par la pêche artisanale Le Pacifique Sud comprend 22 états et territoires insulaires, 30.000 îles, 70 récifs coralliens, 4000 espèces, 30 espèces de mammifères. La consommation de poissons est très élevée (50 à  175 kg/pers/an). Nous sommes passé d’une économie de subsistance à  une économie d’échange, et nous subissons les effets du changement climatique, de la croissance démographique, de la pêche illégaleIl nous faut mieux comprendre les grands espaces et réduire notre impact sur les écosystèmes, promouvoir les règles coutumières

La FAO aurait pu nous inviter avant. La pêche artisanale doit continuer en Amérique Latine. Nous sommes une population qui dispose de territoires, d’une activité économique et d’une culture pour assurer ses moyens de subsistance et fournir un approvisionnement en produits de la mer. Notre activité est la mieux adaptée pour une pêche durable et riche d’une expression socio-culturelle. Il faut consolider nos droits territoriaux, éviter le déplacement des communautés engendré par la détérioration de l’eau ou des activités concurrentes, suspendre l’octroi de concessions pour l’aquaculture industrielle, développer des pêches sélectives plutôt que des pêches chalutières qui détruisent les zones côtières. Nous ne voulons pas de QIT (quotas individuels transmissibles) qui ne garantissent pas la durabilité et la viabilité de la ressource halieutiques. Il n’y a plus de frontières, nous devons continuer à  nous serrer les coudes

Comment reconnaître ce qui fait partie des moyens d’existence et de la culture quand les 2 sont liés ? Dans les communautés artisanales de pêcheurs, il y a un alignement des hommes sur la loi de la nature et de l’eau plutôt que sur le grand capital. Le paradigme économique est fondé sur la valeur mais quelle valeur ?

Nous sommes les témoins directs des effets de la logique économique. Le paradigme économique met en avant le très grand profit alors que la diversité et la biodiversité sont enracinées dans la petite échelle, L’importance des savoirs locaux est à  revitaliser dans le paradigme universitaire des chercheurs. Les dispositifs culturels de pêches artisanales existent depuis des générations, Il faut une politique pour rendre visible ces systèmes de savoir. Les peuples indigènes ont une voix forte car
liée à  une culture pérenne par rapport à  la ressource et aux générations à  venir.

Inventer des modes de gestion adaptés : la pêche artisanale est difficile à  gérer (sites de débarquement nombreux et dispersés, apports diversifiés avec des vulnérabilités différentes, fort impact des pollutions en zones côtières, peu de moyens financiers pour la gestion des pêcheries, ressource partagée) Il faut des aménagements sans données préalables, des évaluations comme dans le secteur rural, des indicateurs pour évaluer l’interaction entre les espèces, des modèles socio-économiques formels

Apprendre en faisant : Par rapport à  l’idée simpliste d’un droit de pêche octroyé à  quelques personnes pour protéger les ressources, une forme unique de droit, achetable et dommageable pour les pêcheries artisanales, cette conférence peut marquer le moment où l’on a arrêté de se référer à  un concept simpliste tel que les QIT (quota individuel transmissible) pour considérer les multiples formes de droit liées à  la pêche.

Maximiser les synergies et atténuer les impacts négatifs du fait de l’interdépendance avec les autres secteurs (difficultés d’accès aux côtes et plages par rapport au tourisme, à  l’agriculture, aux investissements sur les eaux intérieures,), attribuer une valeur à  la pêche artisanale dans son rôle d’emploi, de sécurité alimentaire, de culture, considérer la cohérence des investissements propices à  un développement
multisectoriel (gestion de l’eau)

Pour sortir de la pauvreté, un consensus international, avec des démarches intégrées complémentaires, est nécessaire. L’aspect ressource ne suffit pas, il faut l’éducation ou la culture. Les droits juridiques et coutumiers des personnes qui vivent de la pêche doivent être respectés par les politiques et l’administration. Mais la fixation des droits ne suffit pas quand il y a des risques plus immédiats par rapport à  la marginalisation, la maladie, la perte d’engins Plus les gens se sentent sà’rs, plus ils investissent dans le métier, la gouvernance. Les droits civiques et politiques sont liés aux droits économiques et socio-culturels, il n’y a pas de famine dans les pays indépendants, démocratiques avec la liberté de la presse…

Comment combiner économiquement modernité et valeurs traditionnelles, la place des femmes ? Dans le contexte de l’Afrique, les femmes préfinancent les activités de pêche malgré leurs maigres moyens et valorisent les produits par rapport aux besoins quotidiens, elles contribuent à  80% dans l’éducation et la santé des enfants. Chaque femme est une ONG environnementale
à  elle toute seule, Le rôle de la femme et sa reconnaissance, il faut « l’arracher ‘ ! Parce que l’attention est portée sur l’économique, sont mal perçus les moyens de subsistance, l’enracinement des femmes dans la nature, leur vision dans la durée, leur souci par rapport à  l’avenir des enfants. Autant nous avons donné la vie aux hommes, autant nous tenons à  leur vie ‘

Ne pas diviser le monde entre ceux qui sont cooptés et ceux qui sont rejetés : Partout dans le monde, les échanges mondiaux fondés sur la compétitivité des produits déstructurent les pêcheries artisanales. Les pêcheurs artisans européens sont concurrencés directement par les produits de pêcheurs du sud dont les droits économiques et sociaux minimum ne sont pas assurés. L’étiquetage des produits par des écolabels peut devenir une exclusion pour la vente en supermarché ou sur les marchés internationaux. Il faut différencier les produits de la pêche artisanale

Pêcheurs artisans, nous ne sommes pas un problème ! Les bateaux industriels prennent en un jour ce qu’on ne prend pas en un an. Les aquaculteurs industriels abusent, ils veulent pêcher le krill pour alimenter leurs élevage, cela fera disparaître les baleines Le commerce mondial, lié à  la pêche et l’aquaculture industrielles, et fondé sur le transport maritime, n’intègre pas les coà’ts sur l’environnement (rejets, interaction entre espèces, pression sur les espèces fourrages, rythmes de capture, rejets de CO2 par le transport maritime, pollution des installations aquacoles) La gestion de la ressource est une opportunité pour la pêche artisanale, une solution gagnant-gagnant pour l’environnement, un partenariat productif.

La pêche artisanale est la solution d’avenir pour la pêche, c’est la colonne vertébrale : faire preuve de passion pour des rapports plus humains et plus proches de la nature, lutter pour l’avenir, le notre et celui des poissons, embrasser de face nos défis, utiliser l’artillerie accumulée, notre arme de coopération massive !

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En route vers Bang Taboon…

La montée du niveau de l’eau qui peut devenir très grave en raison du réchauffement climatique ne semble par effrayer notre guide du SEAFDEC(Southeast Asian Fisheries Development Center, centre de développement des pêches du sud-est asiatique) . Elle vit elle-même dans une petite ferme artisanale où son père élève de façon extensive des crevettes. Il ne leur donne ni nourriture, ni médicament. C’est la marée montante retenue par une écluse qui apporte les petites crevettes et les nutriments pour toute la chaîne alimentaire. Autant dire qu’elle vit sur l’eau, avec l’eau et de l’eau. Néanmoins nous dit-elle, comme si cela allait du soi, ses parents aidés par tout le village, ont déjà  dà’ surélever leur ferme une fois depuis sa naissance. Il y a deux raisons selon elle : les pilotis finissent par s’enfoncer et la mer à  tendance à  monter. Ils ont d’ailleurs fait de gros travaux collectifs pour consolider les murs des accès à  la mer. Elle est tellement habituée à  vivre en symbiose avec l’eau que cela lui semble naturel et elle n’en éprouve pas d’angoisse particulière.

En arrivant à  Bang Taboon, nous nous arrêtons pour visiter un des nombreux ports de pêches qui se nichent dans chaque repli du fleuve. Celui-ci est important, peut-être deux cents bateaux de 10 à  25 mètres occupent tout l’espace. Les plus petits pratiquent les arts dormants, lignes, filets, nasses pliantes, ceux d’une quinzaine de mètres sont des bolincheurs([Senne tournante et coulissante pour la capture d’espèces pélagiques (qui vivent à  partir de la surface))]. , les plus grands des chalutiers et des caseyeurs. Ces derniers sont faciles à  identifier car ils semblent sur le point de chavirer dans le port tant le nombre de casiers est important dans les hauts. Beaucoup de monde s’agite dans ce port, pourtant nous ne sommes certainement pas à  une heure cruciale comme celle du départ en mer, de l’arrivée des bateaux ou de la vente

Puis nous prenons une pirogue d’une dizaine de mètres à  l’embouchure de la rivière de Bang Taboon pour sortir en mer

L’air est chaud, humide.
Grande est la baie qui s’ouvre devant nous, un large estuaire où l’eau calme, riche et colorée de la rivière se mélange doucement à  la mer. Ce grand champ fertile se borde d’une côte longiligne, évasée, boisée. Les caps lointains se profilent dans la brume tiédie à  plus de 5 milles. Des parcs à  perte de vue, cernés de bambous, se partagent tout l’espace. En leur centre, une drôle de hutte ou maisonnette perchée sur pilotis, un site de vigie nocturne pour la manne qui se prépare à  quelques mètres en-dessous.

Ensemencés de jeunes coques,
ces jardins livrés aux pêcheurs produisent de bonnes récoltes.
La marée basse découvre ces
coquillages enfouis qui s’offrent aux mains des pêcheurs juchés sur des skis. Plus au large, les pieux sont hauts, costauds, concentrés.
Ils affrontent la houle
qui s’en vient et supportent
des filières à  huîtres nourries
par les ondes salines.


Sur le retour, en remontant la rivière, nous avons vu des cages aquacoles pour des espèces locales, sans compter quelques chalutiers destinés au large, et puis des barques nanties de casiers. Dans cette région littorale préservée du tourisme et de l’urbanisation, la productivité d’une baie consacrée aux produits de la mer semble considérable, un choix judicieux pour un peuple dense, friand de ces fruits nourrissants.

De retour au port nous allons voir une mangrove « pédagogique ‘ où nous sommes invités à  planter symboliquement quelques jeunes pousses de palétuvier. Cette zone de plusieurs centaines de mètres de large semble très riche, à  la fois pour la faune, la flore et les habitants marins qui semblent se trouver dans une sorte d’écloserie et de nurserie de plein air. Il n’est pas étonnant de constater l’implantation de tant de structures d’animaux filtreurs un peu plus loin en mer. Toute cette baie, terrestre et maritime, est complètement dédiée aux pêcheurs artisans à  petite échelle. En repartant, nous apercevons quelques tours en pleine mangrove. Ce sont des hôtels qui commencent à  s’installer. Espérons que les pêcheurs Thaï et leur gouvernement sauront protéger ce véritable trésor qui ne se trouve qu’à  quatre-vingt kilomètres de Bangkok

« La mangrove joue un rôle sur la turbidité de l’eau, c’est un récif barrière qui protège les berges. Nous oublions que nous faisons partie de la nature. En la détruisant, nous nous détruisons. Si l’on coupe un cours d’eau par une route, il faut qu’il trouve son chemin ailleurs. On a construit là  où il ne fallait pas alors la nature reprend ses droits, ça fait des dégâts humains. La mangrove, c’est comme un bassin de décantation qui régénère et apure l’eau de ruissellement. Elle est pleine de crabes, d’oiseaux marins ; les poissons viennent s’y reproduire. Une partie des produits de la mer s’y nourrit. Il y a des fistules sous les feuilles qui nourrissent les larves que mangent les petits poissons avant de repartir à  la mer »

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