
La galathée, moins connue que la langoustine, moins charnue aussi mais plus goà'teuse au dire de certains.
La cuisson est la même que pour la langoustine .

La galathée, moins connue que la langoustine, moins charnue aussi mais plus goà'teuse au dire de certains.
La cuisson est la même que pour la langoustine .

© Photo Philippe Joachim
Notre cerveau découpe tout en petits morceaux, en catégories :
Sur terre, il y a le ciel…
que la mer avale à chaque vague
Il y a l’eau des rivières et des nappes phréatiques, l’écoulement des eaux de pluies, le suintement des terres et des forêts…
qui se brassent et se recyclent dans nos franges littorales.
Il y a des espèces que l’on compte et optimise comme des lapins dans un clapier…
faune mouvante et ondoyante dans les profondeurs marines, si peu maîtrisée, si tributaire des variations climatiques et autres inconnues.
Il y a le concept de propriété dont on ne sait s’il est garant d’une gestion durable mais qui rassure face au chaos collectif
vaste champ d’expérimentation de gestions collectives.
Il y a des appétits bien légitimes pour transformer les mannes de la nature en billets de banque
et si la mer, ici, avait quelque chose à nous apprendre.
La langoustine c’est particulier, ça dépend pas forcément de la taille du bateau. Elle se pêche avec le carré du chalut et elle est de même taille quelque soit le chalut. Elle est quand même capricieuse ; même nous, on a du mal à comprendre. Elle sort si elle a envie, ça peut varier au même lieu en fonction des heures. On dit souvent : « C’est le trait du matin ‘ mais ça peut changer. Le courant, ça peut jouer sur l’ouverture du chalut… C’est pas plus mal qu’on le sache pas. C’est pas celui qui fait le plus de distance qui prend le plus de poissons…
C’est parti pour essayer de t’expliquer ce qui me tient le plus à coeur dans ce domaine de la langoustine côtière. Mon point de vue puisque tu aimes bien mêler l’intuition, la culture, la raison… et bien, c’est évidemment pas seulement raisonnable. C’est en fait que je suis né ici, à Larvor-Loctudy dans le pays bigouden. Mes grands-pères pratiquaient déjà la pêche et mon père a pratiqué toute sa vie cette pêche à la langoustine. Dès mon plus jeune âge, j’ai baigné dans cette atmosphère où nous parlions de la pêche de la langoustine – pratiquement nuit et jour – puisque c’est elle qui a permis à mes parents d’acheter un bateau, une maison, une voiture, d’élever leur famille, de mettre un peu d’argent de côté, partant d’une situation d’après-guerre qui était absolument catastrophique… dans le secteur.
Très concrètement, je sens bien dans tout mon être ce que cette « langoustine ‘, a apporté chez moi et dans mon environnement. Il faut bien savoir que toute la rue, tout le secteur dépendait de cette langoustine. Donc j’ai vécu depuis que je suis né, avec cette espèce. J’ai connu ses tribulations. J’ai connu les problèmes que mon père pouvait avoir lorsqu’elle ne répondait pas « présent ‘. Je sais qu’il a du avec son petit bateau de 14m50 venir pêcher dans les îles autour de l’Irlande, dans les années soixante, parce que dans le Golfe il n’y avait plus de langoustines « pêchables ‘… Elle a toujours été pêchée au chalutage, avant guerre avec des bateaux à voile et avec des moteurs très peu puissants au départ. Le Pen ar ben qui était le bateau de mon père – ce qui veut dire : le bout du monde – avait un moteur de 80 cv, puis un moteur de 120 cv et un moteur de 160 cv. Ce qui est faible par rapport à aujourd’hui où la moyenne est plutôt le double, seulement le double. En Méditerranée, pour la pêche côtière, c’est le triple au moins. Ici, c’est 300-350 cv.
Cette histoire a continué à travers mes frères. J’aurais pu le faire mais à l’époque il n’y avait pas de remède à la myopie et il était impossible d’être patron-pêcheur et myope… De mes 12-13 ans jusqu’à mes 20 ans, j’allais en mer l’été – pendant un mois, un mois et demi, deux mois parfois – à la fois pour soulager ma mère qui pendant ce temps-là ne m’avait pas sur le dos, et pour que mon père m’apprenne deux ou trois bricoles bien sà’r, et que je voie la vraie vie…
Maintenant les conditions ont bien changé. Quoiqu’à l’époque ces bateaux qui sont vieux aujourd’hui étaient neufs. Ils étaient quand même relativement confortables. C’est difficile de comparer. Il faudrait comparer des bateaux neufs d’avant avec des bateaux neufs d’aujourd’hui.
Donc, première chose, ça me tient à coeur parce que, dans toutes mes fibres, il y a de la langoustine qui se promène !

© Photo Joseph Marando
En 1930, le gangui était toléré à la voile, sans moteur. Alors tu avais les toulonnais avec des gros bateaux, des chalutiers, qui venaient faire le gangui avec le moteur ; ils avaient les voiles mais ils avaient le moteur et… le moteur il marchait tout le temps ; ils nous enlevaient la vie et c’était presqu’impossible de les empêcher alors on se l’est interdit. Nous on le faisait plus et, eux, ils pouvaient plus venir. Mais ils venaient sur Notre Dame du Mai tout ça… alors que ce sont nos eaux et ils venaient, ils venaient. Alors on est allé les attraper plusieurs fois et c’était la bouteille d’encre avec les administrateurs pour les faire empéguer([coller une amende)]. Voilà , ça a toujours été très difficile mais enfin, une fois que la chose était interdite…
Alors nous nous étions autorisés que la chevrotière([petite drague pour les crevettes)] d’un mètre, pour pouvoir faire la crevette, pour pouvoir avoir de l’esque pour le palangre, voilà . Maintenant alors comme soupe et comme bouillabaisse, ça prenait pas grand-chose hein, presque rien du tout, alors qu’est-ce qui s’est passé ? De la chevrotière, et bin on l’a un peu allongée hé ? La chevrotière devait être en bois en bas, plombée mais en bois. On a commencé par enlever cette barre de bois qui était en bas et qui faisait courir le poisson. C’était un grand tuyau dessus, en fer, et qui tenait sans la barre de bois. Puis ce tuyau, il s’est agrandi, il s’est agrandi, il s’est agrandi et il est devenu à la grandeur d’un gangui ! On appelait ça une drague… Ca s’est fait dans la nuit des temps, ça. Ca s’est pas fait immédiatement. D’année en année, la drague elle grandissait d’un pan([pan ou empan : longueur entre l’extrémité du petit doigt et celle du pouce, ces doigts étant trés écartés)], tu vois ?
En principe, l’hiver, on calait pas de filet en-dehors de bronde(zone avant le 1er talus à 20/25m de fond. En dehors de bronde : au-delà de la bronde). Il fallait un peu que le fond se refasse, c’était pour le laisser tranquille. Tout ce qui est pierre – parce que vous avez des pierre en-dehors de bronde – tout ce qui est chapon, moustelle, langouste, pageot, pagre, denti, tout ça vous le laissiez un peu tranquille. Ils avaient 6 mois devant eux pour un peu se refaire. Au mois de septembre, j’attaquais ma saison d’hiver, je faisais les crevettes et les oursins au râteau([drague pour les oursins)]… Quand arrivait le mois de mars, on embarquait les entremails([Entremail ou trémail : filet à 3 nappes superposées)], timidement. On se méfiait. On tirait de jour, de peur de prendre une estrapade([Prendre une estrapade : prendre une suée, se lever l’âme)]. quand le temps était pas sà’r. On calait dans beaucoup d’eau – c’est à dire pas tellement à terre, pas tellement dans les roches pour pouvoir tirer – parce que les temps ne sont pas établis. Et on calait les battudons([nappe simple (ou mixte) pour les rougets)] aussi et on les tirait de jour, on les tirait le soir. On faisait la prime, on les laissait pas toute la nuit, pour pas risquer, et puis le poisson il aurait été mangé… Après, il y avait des moments où ça pêchait pas trop alors tu commençais à sortir les sujetières([Sujetière ou Claire : trémail pour les langoustes)] – les claires quoi pour langoustes – et celui qui avait de bonnes connaissances il allait caler les pierres, en dehors de bronde, et puis on en calait aussi sur le matelas([grosse mate, grande touffe d’herbes marines)] pour les baudroies…
Le bar s’est habitué à manger du lançon, le lançon c’est son poulet-frites du dimanche ! Quand il a eu goà’té à ça, il n’a plus voulu goà’ter à rien. Tous les ligneurs n’ont pas suffisamment d’appâts car il n’y a qu’un chalutier qui a le droit de pêcher le lançon. Le lançon se pêche à l’intérieur des 3 milles – donc dans les limites interdites au chalutage – et c’est un chalut de fond avec des petite mailles en plus.
Les ligneurs, ils ont essayé d’appâter avec la sardine. Ca marche pas, pour lui le lançon c’est trop bon ! C’est marrant ! Avant les gars gagnaient leur croà’te à la traîne avec une plume ou un snack. Ils pêchaient très bien. Ils s’étaient mis une règle, ils auraient du mettre une licence en place, je crois que c’est là que ça a coincé. Ils se sont dits :
– « On est tout gentil ‘
Et c’est vrai que jusque-là tout le monde respectait cette règle. Un jour sont venus deux, trois jeunes…
– « On s’en fout d’tout ça ‘ et puis voilà .
La règle c’était d’appâter au lançon qu’en fin de saison, un ou deux mois pour finir doucement la saison. Ces jeunes sont venus et, de suite, en début de saison : lançons. Ce qui fait que les autres, ils pêchaient plus rien. Personne a discuté sur la règle. Je crois que c’est à ce moment-là qu’il aurait fallu mettre des licences.
Lui, on peut dire que c’est le crack, le champion du port en toutes catégories ! Il part 15 jours, il travaille raisonnablement, il a pas 3 funes, il consomme pas beaucoup de gas-oil, il pêche très bien et il partage très bien. Il a 400 cv. Le système à 3 funes, c’est dangereux. C’est deux chaluts mais avec 3 funes. La fune du milieu, on appelle ça un « clap ‘, c’est comme le crapaud d’une pelleteuse, c’est vachement lourd, ça racle le fond. Tandis que les funes en jumeaux, ça pêche pareil mais ç’est plus raisonnable ‘.

J’ai été un des premiers à trouver cet endroit dans le noroît de l’Irlande, c’était dans les années quatre-vingts. Dans le Sud-Irlande il faut à peu près 24 h de route en moyenne et, juste dans les années quatre-vingt, il y avait plus de langoustines ou très peu ; pourtant c’est assez étendu la pêcherie dans le Sud-Irlande. Et avec quelques patrons, on se disait :
– « Pourquoi on irait pas voir plus loin ? ‘
Sur les cartes, on voyait un banc… Parce que dans le Sud-Irlande on travaille dans les fonds de 120-230 m, pas plus. Et là on regardait une carte, on voyait un banc et autour c’était tout sombre parce qu’il y avait 5000 m de fond. Sur le banc, il y avait 500-600 m de fond. On est parti, une dizaine de bateaux à peu près, et on a trouvé de la langoustine comme on n’avait jamais vu… par 500m de fond. On n’avait pas l’habitude de travailler dans ces fonds alors on s’est équipé, on a mis des câbles et tout ça. On a trouvé mais alors des pêcheries incroyables ! Nous, avec le Jusant, en 83, j’étais rentré avec 597 caisses de langoustines et des coffres de 40 kg. Il nous manquait 200 balles pour faire 30 millions de vente ! Moi, j’étais patron, je dormais pas, je faisais la cuisine, je donnais un coup de main à l’équipage pour glacer, pour laver les langoustines. Si. Je m’assoupissais sur mon siège pendant ¾ d’heure pour récupérer.
Ca, c’est un truc… Moi j’avais dit un jour :
– « Là on n’est pas bien parce qu’on travaille la nuit et on gagne autant à pêcher la nuit que l’jour. On ramène des quantités et des quantités de langoustines qui vont à la poubelle ou qui sont vendues pour rien. On devrait au moins s’arrêter la nuit. On s’crève, on crève tout… ‘
– « Ah non, non… ‘
En fait j’étais pris au piège parce que j’étais obligé de faire comme eux. Et qu’est ce qui s’est passé ?
La pêche, y en a toujours mais beaucoup moins. La pêche, à Porcupine, elle a duré 5 ans. Et c’était une langoustine qui s’conservait vachement bien. Elle avait une carapace très très dure. C’était un coin qui avait pas beaucoup été travaillé. Y avait une réserve là … incroyable ! Les gars, ils comprenaient pas mais j’leur disais :
– « On est en train de se tuer, se tuer… ‘
Parce qu’il fallait faire 72h de route pour aller là -bas, 72h pour revenir. T’avais pas beaucoup de temps de pêche et c’était vachement dur, c’était crevant. Tu rentrais à terre au bout d’quinze jours, t’étais mort… Tout ça pour… En ramenant 2 fois moins, on aurait vendu 2 fois plus cher et le stock… Les bateaux ramenaient entre 500 et 600 caisses. Maintenant, ils ramènent même pas 100 caisses. On n’a pas fait attention à la ressource. Le pire c’est de travailler plus pour gagner moins… C’est fou ! Maintenant les bateaux vont plus beaucoup là -bas, c’est plus rentable. C’est loin et il y a autant à pêcher dans l’Sud-Irlande.